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Histoire des Balkans

20 février 2015

L'Empire ottoman

L’Empire ottoman (Osmanlı İmparatorluğu en turc moderne, دَوْلَتِ عَلِيّهٔ عُثمَانِیّهDevlet-i Âliye-i Osmâniyye en endonyme turc ottoman) a duré de 1299 à 1923 (soit presque 624 ans). Il a laissé la place, entre autres, à la République de Turquie, qui occupe une partie de son ancien territoire, ainsi qu'à de nombreux États souvent passés sous d'autres dominations avant les indépendances de la seconde moitié du XXe siècle.

Fondé par un clan turcique oghouze en Anatolie occidentale, l'Empire ottoman s'étendait au faîte de sa puissance sur trois continents : toute l'Anatolie, le haut-plateau arménien, les Balkans, le pourtour de la mer Noire, la Syrie, la Palestine, la Mésopotamie, le pourtour de la péninsule arabique, l'Égypte et une partie du littoral de l'Afrique du Nord. Dans le cadre de ses relations internationales, l'Empire ottoman était appelé Sublime Porte ottomane, ou simplement Sublime Porte, du nom de la porte d'honneur monumentale du grand vizirat, siège du gouvernement du sultan à Constantinople

 1/ Fondation :

L'Empire ottoman est fondé par une famille issue des Kayı, l'une des vingt-quatre tribus turciques oghouzes, qui avaient conquis l'Anatolie au XIe siècle, au détriment de l'Empire byzantin. Pendant que le sultanat turc des Seldjoukides se décompose, cette tribu monte en puissance pendant la phase des beylicats. En 1299, Osman Ier conquiert la ville byzantine de Mocadène, aujourd'hui Bilecik en Turquie. Cette date marque le commencement de l'Empire ottoman et le début de la constitution de la première armée ottomane. Jusqu'à sa mort en 1326, Osman Ier conquiert plusieurs autres villes et places fortes byzantines, ainsi que certaines principautés turques voisines.

 2/ Expansion vers l'Europe :

Ses successeurs continuent sa politique d'expansion. L'Empire ottoman conquiert Gallipoli, son premier territoire européen, en 1347, puis s'étend à travers les Balkans. En 1389, la victoire décisive à la bataille du champ des Merles en Serbie, dans l'actuel Kosovo, marque la fin de l'existence des royaumes serbes. La Serbie est définitivement annexée par les Ottomans après la chute de Smederevo, en 1459. En 1453, commandées par le sultan Mehmet II, les armées ottomanes prennent Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin, établissant ainsi la domination de l'empire sur la partie à majorité chrétienne de la Méditerranée orientale. Plusieurs croisades européennes sont écrasées à Nicopolis et Varna ou encore à Alger.

L'avènement et l'expansion de l'Empire ottoman se réalise du XVe au XVIIIe siècles, vis-à-vis de ses zones voisines d'Europe, du Moyen-Orient et de l'Asie.

Après la domination des Omeyyades et des Abbassides, les dynasties turques s'imposent, tout d'abord avec les Seldjoukides, puis avec les Ottomans qui conquièrent en 1453 Constantinople, dont ils font leur capitale. Le grand Empire ottoman s'étend en Asie, au nord de l'Afrique et en Europe balkanique et danubienne. Leur dynastie s'éteint seulement en 1922 avec Mehmed VI et la naissance de la république turque.

Du VIIe au XIVe siècles :

711-800 : conquête arabe en Afrique, Portugal et Espagne.

800  : chiffres arabes

1000-1050 : les Seldjoukides se convertissent à l'islam

1099-1270 : les croisades

1171-1193 : règne de Saladin

1215-1220 : invasion de Gengis Khan

1299 : création de l'empire ottoman

Après Constantinople, Mehmet II, dit le Conquérant, soumet grâce à l'armée ottomane la Grèce, l'Albanie et la Serbie, mais sans réussir à conquérir Belgrade (1456), puis en 1477, la Bosnie et l’Herzégovine. Son successeur, le sultan Selim Ier, vainc l’Irak, la Perse et plus tard l’Égypte.

Soliman le Magnifique monte sur le trône en 1520 et devient le plus grand des sultans ottomans. Il conquiert Belgrade en 1521, occupe Rhodes en 1522 où se trouvent les chevaliers de St Jean qui se déplacent à Malte ; il soumet enfin tout le nord de l’Afrique et défait le roi de Bohême et de Hongrie, Louis II, qui est tué en 1526.

En 1538, Charles Quint, le Pape et Venise s’allient pour affronter la flotte turque au large de l’Albanie. Il n’en ressort aucun vainqueur. Soliman s’allie avec la France qui dispose de nombreux intérêts commerciaux avec les Turcs.

En 1529, l’armée turque conquiert Buda et, la même année, assiège Vienne. D’importants succès sont obtenus grâce au corps de fantassins des Janissaires. Soliman meurt en 1566.

Selim II succède à Soliman et continue sa politique expansionniste. Ils sont les maîtres de la Méditerranée, grâce aussi à l’alliance avec la France.

En 1565, les Ottomans attaquent Malte, mais les chevaliers de St Jean, aidés par l’Espagne, repoussent l’assaut. Charles Quint, en 1535, lance contre les Turcs une croisade soutenue par le pape Paul III, les Portugais et les Hospitaliers. Il prend Tunis, libérant 20 000 prisonniers chrétiens. En 1541, il cherche à conquérir Alger, mais l’attaque échoue.

En 1570, les Turcs reprennent Tunis et assiègent Chypre, après avoir lancé un ultimatum à Venise. Ainsi, le 25 mai 1571, se conclut la « Sainte Ligue » entre l’Espagne, Venise, le pape Pie V, le duc de Savoie, l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ainsi que d’autres petites républiques italiennes.

C’est l’époque de la Réforme protestante qui, souvent, sympathise avec les Turcs, en raison de leur aversion des Catholiques. En octobre, la Sainte Ligue se met en marche et, le 7, à Lépante, obtient une victoire miraculeuse contre la flotte turque. 80 navires turcs sont coulés, 130 capturés et 50 000 Turcs sont tués ou fait prisonniers. Cette victoire est attribuée à la Vierge Marie, vue comme Celle qui piétine le Croissant, symbole des Musulmans. Pie V instaure alors la fête de Notre-Dame des Victoires, fixée ensuite par Grégoire XIII comme fête de Notre-Dame du Rosaire.

Les divisions des princes chrétiens favorisant un retour des musulmans, Venise abandonne la Sainte Ligue et conclut une paix séparée avec Selim II.

En 1661, l’empereur Léopold d’Autriche tente de reconquérir la Hongrie, mais en vain, et en 1663, les Ottomans atteignent Presbourg et menacent Vienne. S’ensuit une nouvelle coalition qui obtient une victoire en 1664 contre les Turcs. Puis Vienne est à nouveau assiégée jusqu’à ce que, le 12 septembre 1683, à Kahlenberg, en Autriche, les forces chrétiennes, sous la conduite du duc Charles V de Lorraine et du roi de Pologne, battent les Ottomans par une victoire totale, jugée comme un nouveau miracle. Pour rappeler un tel événement, le pape institue la fête du Nom de Marie.

 

1

 

 Démembrement de l’Empire ottoman en 1683 :

 

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 Le nouveau sultan, Soliman II, capitule sur tous les fronts. Par l’accord de Karlowitz, en 1699, l’Empire romain germanique s’attribue la Hongrie, la Croatie, la Transylvanie et la Slavonie; Venise s’octroie une grande partie de la Dalmatie, et la Pologne, d’autres régions plus au nord.

Après la défaite de Vienne, commence la décadence turque. Le 5 août 1716, le prince Eugène de Savoie bat encore les Ottomans.

Avec la chute de Constantinople et le mariage entre Ivan III et la fille du dernier empereur byzantin, la Russie se sent héritière historique du patrimoine orthodoxe byzantin et siège de la « troisième Rome ». Les tsars se considèrent comme les protecteurs des chrétiens orthodoxes.

Catherine II de Russie (1729-1796) veut restaurer l’ancien Empire byzantin de Constantinople et chasser le sultan d’Istanbul. Les Russes vainquent les Turcs sur la Mer Noire en 1768, et détruisent leur flotte. La tsarine Catherine reconquiert l’Ukraine et la Crimée, mais ne réussit pas à reprendre Istanbul. En effet, les Turcs détruisent la flotte russe lors d’une nouvelle bataille sur la Mer Noire et, en 1792, la tsarine doit signer le traité de paix de Jassy, qui modère ses projets.

Historiogramme de l'Empire ottoman

3

 

 

3/ Un nouvel empire :

Les Ottomans appellent Roumis les populations chrétiennes, en référence à leur origine issue de l'Empire romain d'orient. L'Empire établit ensuite progressivement sa souveraineté sur toute la partie à majorité musulmane du monde méditerranéen. Les sultans ottomans voient leur titulature s'enrichir au XVe siècle du vieux titre turc de khan, de celui, iranien, de padishah, puis de celui de calife au XVIe siècle, c'est-à-dire successeur de Mahomet et chef de l’oumma, la communauté musulmane. Le contrôle qu'ils exercent sur leurs terres est variable ; les provinces lointaines de Tunis et d'Alger ou le khanat de Crimée jouissent d'une large autonomie. Ainsi, son emprise est quasiment nulle sur la Kabylie4. Certains États à majorité chrétienne, comme les principautés roumaines de Valachie, Moldavie et, pour un temps, la Transylvanie, payent au sultan un tribut aux XVe siècle-XVIe siècle, mais ne deviennent pas pour autant provinces ottomanes.

L’Empire ottoman est organisé selon le système des millets. De la Bosnie au fin fond de l’Anatolie en passant par les Pomaques, de nombreux chrétiens pauvres (Slaves, Grecs, Arméniens, etc.) ainsi que des Juifs (dönme) et des Roms (çingene) se convertissent à l’islam pour ne plus payer le haraç (double imposition sur les non-musulmans) et ne plus subir la παιδομάζωμα / pédomazoma, ou devchirmé (enlèvement des enfants) pour les Yeni-çeri (janissaires : « nouvelles troupes », instituées au XIVe siècle par le sultan Orhan). Devenus avdétis (convertis), ils n’en étaient, pour la plupart, que plus fidèles sujets de la Sublime Porte, afin de bénéficier de la confiance due aux mumīnīn (croyants). C’est pourquoi les Turcs actuels de Turquie sont, en majorité, de type caucasien, alors que les peuples turcs d’Asie centrale ont un phénotype asiatique. Et c’est pourquoi au XIXe siècle, la majorité des membres des millets Rum et Arménien était plutôt composée de propriétaires et de commerçants aisés que de pauvres manœuvres, car seuls les gens aisés pouvaient aisément payer le haraç.

Le nouvel empire assura sa cohésion en ouvrant largement l’ascenseur social ottoman : tout janissaire sorti du rang pouvait, si ses capacités le lui permettaient, espérer accéder aux plus hautes fonctions, telles que bey, drogman, capitan pacha, pacha ou vizir, et les exemples foisonnent. Même les aristocrates grecs restés chrétiens pouvaient espérer être nommés hospodars (voïvodes) des principautés chrétiennes tributaires.

 4/ L’âge d'or :

Pragmatiques et non dogmatiques, les sultans ottomans n’ont pas fait table rase de la civilisation byzantine mais l’ont au contraire adaptée et développée, comme en témoignent la mosquée bleue qui sublime l’architecture de la basilique Sainte-Sophie ou les thermes, que nous appelons bains turcs. L’Empire a su hériter de l’éducation, des sciences, des techniques et des universités byzantines, devenues ottomanes et admirées dans toute l’Europe à la fin du Moyen Âge. Ces universités orientales se tenaient au courant des découvertes occidentales : l’amiral Piri Reis a ainsi pu faire une copie de la carte de l’Amérique de Christophe Colomb, et celle-ci ayant été perdue, la copie de Reis est à ce jour la plus ancienne carte du nouveau continent. De grandes forces vives, aussi bien intellectuelles que financières, vinrent renforcer la Sublime Porte. On peut citer les migrations et installations des juifs sépharades, fuyant l’Espagne répressive et l’Inquisition, puis celles des Morisques andalous.

En 1517, Sélim Ier conquiert l’Égypte et met fin au sultanat mamelouk. Le calife abbasside Al-Mutawakkil III est emmené à Istanbul comme otage, et aurait cédé son titre de Commandeur des croyants (Emir al-mumimin). Si Sélim procède au transfert de certaines reliques de Mahomet à Istanbul, la thèse selon laquelle il aurait voulu recueillir l’héritage de califat est cependant sujette à caution et apparait beaucoup plus tardivement5. Moins d’un siècle après avoir mis fin à l’Empire byzantin moribond, les Turcs ottomans prennent la succession de la dynastie arabe des Abbassides.

Au XVIe siècle, sous le règne de Soliman le Magnifique, les armées ottomanes parviennent jusqu’à Vienne en 1529 et 1532, dont elles font le siège en vain. Cette avancée marque la limite de l’expansion de l'Empire en Occident (comme Aden en fixera la limite au sud).

De 1533 à 1536, l’Empire ajoute l’est de l’Anatolie, l’Azerbaïdjan et le Yémen. Les corsaires turcs installés à Alger prennent Tunis aux Hafsides en son nom en 1534, puis la perdent face aux troupes de Charles Quint. Le pacha turc de Tripoli prend Kairouan en 1557 et Tunis est reconquise, définitivement cette fois, en 1569.

L’Empire crée une flotte militaire, tente de s’imposer en Méditerranée au détriment des cités italiennes et y parvient un moment. La défaite navale de Lépante en 1571, devant les flottes espagnole et vénitienne, met fin à sa suprématie. Réorganisée par Sokullu Mehmed pacha, la flotte ottomane restera certes ensuite une puissance importante, et les possessions vénitiennes (Chypre et des îles en mer Égée) rejoindront progressivement l'Empire mais une partie toujours plus importante du commerce méditerranéen était sous le contrôle de Venise, de Gênes, du Portugal et de l'Espagne6.

L'Empire trouve sa place dans le jeu diplomatique européen où il est un allié traditionnel de la France, dans une alliance de revers contre les Habsbourgs, dès le règne de François Ier.

 5/ Une puissance mondiale contestée :

La mort de Soliman le Magnifique en 1566 marque la fin de l'âge d'or ottoman, et la superficie de l'Empire au XVIe siècle atteint 5 200 000 km² 1. L'irruption des Portugais dans l'océan Indien détourne vers l'Atlantique une grande partie du commerce des Indes, et les expéditions ottomanes contre Goa et Mascate n'arrivent pas à les en déloger. Cependant, le commerce du Levant reprend à la fin du XVIe siècle.

L'Empire ottoman a encore les moyens de grandes expéditions sur mer (conquête de Chypre en 1570 et de la Crète en 1669) et sur terre, contre les Autrichiens et les Russes. Moscou est incendiée en 1571, Vienne, capitale des Habsbourg d'Autriche, assiégée en 1683. L'empire croit avoir encore une vocation mondiale. Sokullu Mehmed pacha, Grand Vizir de Selim II, commence un projet de canal à Suez et entre la Volga et le Don, qui n'aboutira pas.

Dans l'Europe du Sud, une coalition d'États compte alors vaincre l'Empire ottoman sur les mers, puisqu'elle ne le peut sur les terres. À Lépante, envoyé par le roi Philippe II d'Espagne, une flotte coalisée (États pontificaux, République de Venise et Espagne) affronte la grande flotte turque, réputée invincible. En 1571, Lépante voit la destruction de plus de 250 galères turques. Mais c'est une victoire sans lendemain, qui ne touche pas aux bases de la puissance turque. Le Grand Vizir ottoman dira à un ministre vénitien durant des négociations : « En vous prenant Chypre, nous vous avons coupé un bras. En envoyant par le fond notre flotte, vous nous avez coupé la barbe. »[citation nécessaire] En 1573, la flotte ottomane reconstituée pousse les Vénitiens à la paix. Cela permet au sultan de tourner ses ambitions sur l'Afrique du Nord.

Les frontières ottomanes ne changent guère entre 1566 et 1683. Les guerres finissent sur des statu quo et les victoires de Soliman le Magnifique apparaissent comme un glorieux passé. Les Séfévides de Perse repoussent les assauts turcs. Dans les régions danubiennes, l'empire doit faire face à la puissance rivale de l'Autriche et à l'insoumission des principautés roumaines sous Michel le Brave (1593-1601). Le Liban se rend temporairement indépendant sous l'émir druze Fakhr-al-Din II (1590-1613).

Sur les champs de bataille, l'armée ottomane, ou plutôt, comme l'appellent les chroniqueurs turcs, « l'armée de l'islam7 », reste une puissance impressionnante. Des forces nombreuses, ce qui suppose une logistique considérable, des janissaires d'élite, et toujours des légions de soldats armés d'arquebuse ou de fusils. La Longue Guerre contre l'Autriche (1593-1606), a demandé de grandes ressources humaines aux Ottomans. Leur population forte de trente millions d'habitants leur permet de soutenir de vastes efforts de guerre mais le retard économique et technique face à l'Occident commence à se faire sentir.

 6/ Le déclin :

Le déclin et chute de l'Empire ottoman désignent les évènements qui, du XVIIe siècle au début du XXe siècle, ont mené à la perte de territoires puis à la désintégration de l'Empire ottoman.

Au XVIIe siècle l’âge d’or de l’Empire ottoman est déjà révolu, comme l'indique la défaite navale de la flotte ottomane face à une ligue réunissant l’Espagne, Rome, Malte et Venise à Lépante en 1571. Cette première défaite majeure n’eut pas de répercussion immédiate, mais elle marquait un tournant dans l’histoire de l’État ottoman et un regain de confiance dans la puissance de l’Europe chrétienne.

Le déclin de l’Empire devient de plus en plus manifeste lorsque Osman II (1618-1622) est assassiné par les janissaires protestant contre ses tentatives de réforme, ce qui engendre une dégradation de l’autorité des sultans et du pouvoir central.

En effet, l’échec du second siège de Vienne (1683), le traité de Karlowitz en 1699 (premier traité défavorable aux Ottomans) et le traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774), reflètent l’affaiblissement grandissant de l’Empire et marquent le début d’une crise qui va durer jusqu’au XXe siècle.
La campagne d’Égypte, expédition militaire entreprise par Napoléon Bonaparte (1798-1801), et l’invasion par les troupes du gouverneur de l’Égypte, Mehmed Ali, de la Syrie, secouent brutalement les fondements de l’État ottoman et l’obligent à rechercher des solutions pour les crises qui éclatent au sein de l’Empire : c’est l’époque des Tanzimat.

Le 29 mai 1807, le sultan Selim III est déposé, sa nouvelle armée (Nizam el-djedid) dissoute, et la première véritable tentative de réforme a été matée par le corps conservateur de l’empire : les janissaires. Cet événement deviendra une leçon pour le nouveau Sultan Mahmoud II, qui essaiera tout au long de son règne (1808-1839) de sauver l’empire ottoman de l’effondrement. Une série de réformes sera réalisée, et l’institution des janissaires, qui s'est longtemps opposé à la réforme militaire sera supprimée en 1826. Malgré tous ces changements opérés par Mahmoud II, ce n’est qu’avec son successeur, le sultan Abdul-Medjid I (1839-1861) que l’ère des Tanzimat va être officiellement déclenchée par l'édit impérial de Gulkhane.

Proclamé le 3 novembre 1839 à Gulkhane (place à côté du palais de Topkapı), l’Édit de réforme est le premier d'une série de textes et de mesures qui vont former le pilier essentiel des Tanzimat (réorganisation en turc). L’édit annonce que les sujets du Sultan sont désormais égaux, il abolit l’affermage de l’impôt et promet le développement de nouvelles méthodes pour assurer la mise en place d’un système juste pour la conscription et l’entraînement des soldats de l’armée.

En effet, les Tanzimat visent à sauver l’État ottoman qui devient de plus en plus soumis à des pressions extérieures, et qui est confronté en même temps à des difficultés intérieures croissantes d’ordre économique et politique. Pour cela une panoplie de mesures va être entreprise pour remédier à cette situation détériorée qui menace l’existence même de l’empire.

Bien que le sultan continuât à occuper une position centrale dans l’édifice étatique, son rôle va être éclipsé par la Porte qui devient le centre d’impulsion des réformes. En effet, la scène politique ottomane va être dominée jusqu'en 1878 par quatre personnalités qui occuperont successivement le poste du grand-vizir, et qui vont constituer le fer de lance des Tanzimat. Ces quatre personnes sont : Mustafa Rechid Pacha surnommé le ‘père des Tanzimat’ , Mehmed Emin Ali Pacha, Mehmed Fuad Pacha et Midhat Pacha qui va porter les Tanzimat à leur paroxysme par la constitution de 1876. les hommes des Tanzimat vont jouer un rôle de premier plan dans la modernisation de l’empire et cela en imitant l’Europe (spécialement la France) dans ses institutions politiques et sa structure administrative, et en essayant d’occidentaliser la société ottomane pour qu’elle s’adapte aux diverses transformations qui ont eu lieu au cours des siècles. Les réformes touchent tous les aspects de la vie, mais c’est la réorganisation du pouvoir d'État qui est la plus importante car elle va laisser des conséquences considérables sur le fonctionnement des institutions politiques.

Les Tanzimat ont créé un gouvernement centralisé qui se compose d’une nouvelle classe dirigeante, les bureaucrates. Afin de donner à l’État une meilleure efficacité, des ministères conçus sur le modèle européen sont établis. Ainsi un ministère de la justice voit le jour vers le milieu du règne de Abdulaziz (1861-1876), et en 1869 un ministère de l’intérieur est établi. D’autres ministères sont créés (agriculture, commerce, travaux publics) et leurs tâches se diversifient d’une façon considérable.

Étant le lien qui relie l’empire avec l’occident, le ministère des Affaires étrangères constitue la vitrine de la modernité ottomane. Chacun de ces ministères est mis sous la direction d’un ‘nazir’ ou ministre. Au-dessus de tous les départements de l’État, le grand-vizir (ou la Sublime Porte) supervise l’activité des divers organismes, et préside le conseil des ministres qui devient l’organe central de l’exécutif.

Sur le plan législatif, le conseil supérieur de justice, fondé en 1838, connaît un développement important dans ses fonctions. En effet, ce conseil élabore les textes législatifs et devient le principal fournisseur des lois de l’empire. En outre, plusieurs codes sont rédigés, tels que le Code pénal (1840) et le Code commercial (1850) et spécialement le Code civil (Medjelle) qui est une gigantesque compilation de coutumes et de lois. Calqués sur le modèle ‘laïc’ européen, ces codes posent un véritable problème en ce qui concerne leur conformité au droit islamique. Pour assurer leur application, de nouvelles juridictions (nizami) sont instaurées pour trancher les litiges qui n’entrent pas dans la compétence des autorités religieuses.

Les réformes ne se limitent pas à ces domaines, elles touchent l’éducation qui devient de plus en plus séculière, spécialement après la mise en place d’un nouveau système d’enseignement séparé des institutions religieuses traditionnelles. L’armée aussi se modernise selon le modèle européen, et en 1864 une nouvelle loi administrative divise l’empire ottoman en 27 provinces (wilaye) et associe ces provinces, avec les autres subdivisions administratives, d’un organe mixte composé de personnes nommées par l’autorité centrale ou élues sur le plan local.

L’époque des tanzimat a connu encore des majeures transformations de la société ottomane. L’essor démographique, et l’extension des villes grâce au développement de la population urbaine et à l’exode rural, sont le trait qui caractérise la deuxième moitié du XIXe siècle (ex : la population de Beyrouth passe de 40 000 habitants dans les années 1850 à quelque 80 000 dans les années 1880). L’économie à son tour va connaître une métamorphose vers le système capitaliste (fondation des banques et des entreprises privées, développement considérable de l’exportation et de l’importation, expansion de l’agriculture, chemins de fer).

La guerre de Crimée a révélé la faiblesse financière de l'empire: pas de vrai budget, des rentrées fiscales irrégulières, un endettement croissant. La monnaie, les finances et les douanes de l'empire passent sous la tutelle de la Banque impériale ottomane, créée en 1863 et dirigée par un consortium franco-britannique.

Malgré toutes ces réformes, la situation est loin d’être positive. En effet, la guerre de Crimée (1853-1856) et les crises successives qui secouent les Balkans et le Liban, prouvent que les réformes sont insuffisantes. En 1856, le sultan Abdul-Medjid I proclame un nouvel édit impérial qui affirme que les chrétiens et les juifs possèdent dorénavant les mêmes droits que les sujets musulmans, et que la liberté de culte leur est reconnue. La conséquence la plus immédiate de cette mesure est la reconnaissance de communautés confessionnelles dotées de pouvoirs propres (les Millets). Il subsiste des problèmes avec les minorités. La nécessité d’accélérer le rythme des Tanzimat pousse Midhat Pacha à déposer le sultan Abdulaziz qui s'oppose à l’adoption d’une constitution limitant ses prérogatives. En 1876 le nouveau sultan Abdülhamid II promulgue une constitution libérale qui instaure une monarchie parlementaire et qui respecte les libertés individuelles.

Après la guerre désastreuse contre la Russie (1875-1876) et le traité humiliant de San Stefano, Abdülhamid II sera convaincu que les anciennes réformes sont inutiles et que de nouvelles méthodes doivent être adoptées pour sauver l’État. Le sultan rouge suspend donc la constitution en 1878 et dissout le parlement. L’ère des Tanzimat est terminé, l’empire plonge dans un règne autoritaire qui dure 33 ans.

La personnalité du sultan Abdülhamid II est un facteur essentiel pour comprendre son attitude despotique. Tourmenté par les évènements qui ont secoué le début de son règne, et obsédé par la crainte d’être déposé ou même assassiné, Abdülhamid va opter pour une politique d’autoritarisme, et de centralisation dans l’étendue de l’empire ottoman pour éliminer toutes velléités indépendantistes.

La première manifestation de cette politique se traduit par le déplacement du centre du pouvoir de la sublime porte au palais. En effet, le grand vizir n’est plus celui de l’époque des Tanzimat, il n’est qu’un simple agent responsable seulement, avec tous les autres ministres, devant le sultan. Dorénavant ce dernier règne et gouverne en même temps.

Après l’échec de l’ottomanisme, qui a visé à créer une nation ottomane composée de sujets égaux sans aucune discrimination religieuse ou ethnique, et pour faire face aux ingérences des puissances étrangères, notamment la Grande-Bretagne qui a occupé l’Égypte en 1882 (soumise nominalement à la souveraineté ottomane), Abdülhamid se fit le promoteur de l'idéologie panislamiste, espérant mobiliser tant les musulmans vivant dans l'empire que les autres pays musulmans, et cela en profitant de son titre comme calife de l’ensemble de la communauté musulmane.

Cette stratégie, adoptée par le sultan, tend à consolider la cohésion interne de l’empire, et à renforcer la solidarité entre les musulmans, pour contrecarrer l’étoile montante de la notion de nationalisme, qui menace non seulement l’unité, mais encore la persistance même de l’État ottoman. À titre d’exemple, la dernière décennie du XIXe siècle fut marquée par le développement d’un esprit de nationalisme chez les Arméniens, ce qui a dégénéré aux massacres qui ont eu lieu entre 1894 et 1896 durant lesquels vont périr 200 000 personnes. En outre, la Crète est perdue en 1897, au terme d'un conflit militaire greco-turc, qui inquiète les capitales européennes, tandis que la Macédoine demeure sous la souveraineté ottomane jusqu'à la guerre des Balkans en 1912.

Sur un autre plan, les politiques de réformes ont pesé lourd sur le trésor public ottoman, les dépenses accrues et les défaites militaires successives de l’armée ottomane au cours du XIXe siècle, ont augmenté le déficit budgétaire, ce qui a poussé l’État à s’endetter. En 1881, la Banque impériale ottomane, en fait un établissement franco-britannique, accrut son influence par la création de la Dette publique: organisme mixte chargé de percevoir les revenus et de gérer la dette publique ottomane.

Le déclin progressif de l’empire, et l’échec des réformes menées dans le cadre des Tanzimat pour enrayer ce déclin, ont fermenté des idées d’opposition croissantes au despotisme d’Abdülhamid. S’inspirant de la Révolution française de 1789 et des écrits des intellectuels ottomans surtout Namik Kemal, l’opposition se concrétise dans le mouvement des Jeunes-Turcs qui se constitue pour partie à l’intérieur de l’État (Istanbul, Salonique) et pour partie à l’extérieur (Le Caire, Paris, Genève). Réclamant la restauration de la constitution de 1876 pour pouvoir résister à la pénétration européenne, et pour éviter le démantèlement de l’empire, les Jeunes-Turcs regroupent dans un premier temps des libéraux d’origines diverses : Turcs, Arabes, Arméniens et Kurdes. Mouvement de nature complexe qui se propage entre les étudiants de l’école de médecine militaire à Istanbul, les Jeunes-Turcs sont dominés par la Comité Union et Progrès (CUP) fondé en 1895 à Salonique par Talaat bey et Rahmi bey et qui recrute parmi les corps de fonctionnaires civils et militaires. À partir de 1907, ce comité prend une coloration plus militaire avec l’adhésion d’officiers de l’armée turque tels Enver, Niazi bey, Jamal et Mustafa Kemal.

La crise devient de plus en plus patente à la première décennie du XXe siècle. En effet, la situation sur le double plan économique et social se détériore graduellement, le retard dans le paiement des soldes des soldats cause plusieurs émeutes dans les casernes. L’Allemagne, soucieuse d'affirmer sa vocation mondiale, cherche à renforcer son influence dans l'empire, spécialement après la visite de l’empereur Guillaume II. Elle s'engage, avec d'autres puissances, dans la construction du chemin de fer Berlin-Bagdad et participe à l'exploitation du pétrole d'Irak (Turkish Petroleum Company). La relation du sultan Abdülhamid II avec les autres puissances européennes devient délicate, du fait de l'Alliance franco-russe puis du rapprochement anglo-russe contre l'Allemagne. La combinaison de tous ces facteurs ne peut que confirmer un seul fait : la révolution est imminente.

Les jeunes-Turcs :

L’agitation des Jeunes-Turcs en Macédoine ottomane devient de plus en plus grandissante et risque même de se transformer en une insurrection qui menace le pouvoir de Abdülhamid. La situation devient critique quand le sultan envoie 18 000 hommes pour dompter cette mutinerie. Mais au lieu d’accomplir leur mission, ils se joignirent aux rebelles. Abdülhamid, afin d’enrayer le mouvement, annonce alors en juillet 1908 la convocation du Parlement et la remise en vigueur de la Constitution de 1876, c’est la fin de l’ère du despotisme Hamidien.

Malgré l’ampleur des évènements de juillet 1908, ce qui s’est passé ne peut être qualifié comme révolution, c’est plutôt un coup de force qui a obligé le Sultan à accepter la réduction de ses pouvoirs. En effet, la situation est loin d’être stable. La victoire de Jeunes-Turcs est de courte durée. Profitant de la désorganisation de l’Empire due à la révolution, l’Autriche annexe officiellement la Bosnie-Herzégovine, tandis que la Bulgarie proclame son indépendance et la Crète son rattachement à la Grèce. La responsabilité de ce désastre tombe sur le CUP au pouvoir. Croyant pouvoir bénéficier de l’agitation islamiste à Istanbul, Abdülhamid mène une contre-révolution, et cela par la dissolution du Parlement et l’arrestation de plusieurs membres du CUP. Face à cette situation la réaction des Jeunes-Turcs ne se fait pas attendre. À la tête d’une armée (l’armée d’action) provenant de la Macédoine ottomane, Mahmud Chevket Pacha pénètre dans Istanbul le 24 avril 1909, et dépose peu après le sultan Abdülhamid auquel succède son frère Mehmed Rachad, ou Mehmed V sans pouvoir réel.

Avec la chute du sultan rouge s’ouvre le dernier chapitre de l’histoire de l’empire ottoman. En effet, la révolution de 1908 a libéré la société ottomane tant soumise au joug du despotisme d’Abdulhamid II. De nouvelles questions, auparavant négligées, viennent surgir sur la scène sociale. Ainsi la situation traditionnelle de la femme est remise en question, et des mouvements de revendication sont créés par des femmes influencées par les idées occidentales. En outre, les ouvriers prennent conscience de leur condition et commencent à réclamer l’amélioration de leur situation par des grèves qui éclatent dans plusieurs secteurs (employés des tramways, les dockers, souffleurs de verre, secteur de communications, de textiles, les mines). La liberté d’expression et la multiplication des journaux engendrent un essor dans la vie intellectuelle. Dans un premier temps deux tendances dominent la société ottomane : une tendance islamiste dont le porte parole est Mehmed Akif, et une autre tendance occidentaliste représentée par Abdullah Djevdet. Une troisième tendance va apparaître progressivement dès 1908 et qui va jouer un rôle important dans l’avenir, celle du nationalisme turc.

Arrivé au pouvoir, le CUP cherche à préserver l’intégrité de l’État ottoman et à assurer l’unité de toutes les composantes de la société ottomane, et cela en créant des citoyens égaux devant la loi, et non des sujets appartenant à des millets diverses. Mais l’accomplissement de ces objectifs va se heurter à des crises qui éclatent dans plusieurs régions de l’empire. En effet, L’année 1911 marqua le début de la guerre italo-turque, qui se termina en 1912 par la reconnaissance de la souveraineté de l’Italie sur la Tripolitaine. En outre, face à la politique de centralisation menée par les Jeunes-Turcs, l’Albanie se révolte contre la Turquie sous la direction d’Ismail Kemal, et accède ensuite à l’indépendance à la suite de la conférence de Londres en 1912. les défaites successives de l’armée ottomane vont développer de plus en plus un sentiment de nationalisme turc qui se répand dans la population exaspérée d’Istanbul.

Les dernières années de la vie de l’État ottoman sont marquées par une série de guerres qui va gravement compromettre l’intégrité de l’empire et la crédibilité du pouvoir central. Prélude de la dislocation définitive de l’État ottoman, les deux guerres balkaniques qui ont eu lieu de 1912 à 1913 font perdre aux ottomans l’essentiel de leurs possessions en Europe, en même temps que leurs dernières possessions africaines, en Libye, conquises par les Italiens.

Dans cette situation de trouble, et surtout après l’assassinat du grand vizir Mahmoud Chevket Pacha le 21 juin 1913, le pouvoir passe à un triumvirat unioniste constitué par Talaat, Djemal et Enver Paşa. Dès lors, la promotion de plus en plus exclusive d’un nationalisme Turc strict qui se traduit par une répression accrue à l’égard des minorités, conforte l’autoritarisme du triumvirat et accentue la rivalité et la méfiance entre les Arabes et le CUP.

Les années qui précèdent la Première guerre mondiale voient un Empire ottoman isolé sur la scène internationale face aux appétits russes et britanniques de plus en plus pressants. Début 1914, les Britanniques souhaitent internationaliser Constantinople et la Russie propose de créer une grande région autonome arménienne. Seuls alliés possibles, les Allemands sont hésitants, conscients des faiblesses de l'armée turque. Malgré la défiance du général Liman von Sanders, Guillaume II demande au chancelier Bethmann-Hollweg de préparer un traité. L'alliance germano-turque ne se concrétise qu'en juillet 1914.

Le 28 juin 1914, à Sarajevo, l’archiduc François-Ferdinand d'Autriche est assassiné par un étudiant bosniaque Gavrilo Princip du mouvement terroriste" Mlada Bosna", composé uniquement des Serbes de Bosnie. Par le jeu des alliances complexes en Europe, la Première Guerre mondiale est déclenchée. Le 2 novembre, la Russie, suivie le lendemain par le Royaume-Uni et la France déclarèrent la guerre à l’empire ottoman qui avait signé un pacte secret avec l’Allemagne. À l’exception de la bataille de Gallipoli, l’armée turque ne remporte aucun succès soit sur le front nord avec la Russie, soit au sud sur le front du canal de Suez. La situation devient de plus en plus alarmante avec la révolte arabe, conduit par le cherif de la Mecque Hussein ibn Ali en juin 1916 et soutenue par les Britanniques.

De son côté, le gouvernement ottoman des Jeunes-Turcs, pour des raisons liées au nationalisme turc et au panturquisme profite de la guerre pour organiser, entre le printemps 1915 et l'été 1916 principalement, le génocide arménien dans lequel vont périr près d'1 200 000 personnes. Les massacres débutent "officieusement" avec l'arrestation, la déportation puis le massacre d'intellectuels arméniens de Constantinople durant la nuit du 24 au 25 avril 1915. Puis c'est au tour de l'Anatolie où un plan d'extermination génocidaire est soigneusement mis en place ; les hommes sont tués, et le reste de la population est déportée en convoi par des gendarmes turcs. Les conditions sont mauvaises, et beaucoup meurent en route. Des Kurdes viennent aussi massacrer des Arméniens. La population encore vivante arrive en 1916 dans les déserts de Syrie-Mésopotamie, où la grande majorité va mourir. Les deux-tiers de la population arménienne vient d'être supprimée, les autres ont pu se réfugier en Arménie russe ou ailleurs. Quelques massacres sporadiques surviennent les années suivantes ; Ainsi se constitua un Empire ottoman pur, vidé de la majeure partie de sa population arménienne.

En 1918 l’armée turque est prête à succomber, les Britanniques envahissent le Liban et la Syrie, prennent Damas (29 septembre), puis Alep et d’autres points stratégiques, tandis que les forces navales françaises occupent Beyrouth. Un armistice est conclu le 30 octobre à Moudros. Les Turcs seront obligés de démobiliser, de rompre les relations avec les Empires centraux et d’autoriser les vaisseaux de guerre alliés à passer par le détroit des Dardanelles.

Les puissances occidentales croient le moment venu de satisfaire leurs ambitions, aussi bien les accords Sykes-Picot entre Français et Britanniques que la "Grande Idée" panhellenique du Grec Venizélos. Humilié par le traité de Sèvres qui reconnait la tutelle britannique sur Constantinople et le contrôle grec, français et italien sur certains territoires de l’Anatolie, le gouvernement du sultan tombe en discrédit.

Refusant cette situation de catastrophe nationale, Mustafa Kemal réussit à remporter des victoires décisives sur les Grecs, à Sakarya (août 1921) et à Dumlupinar (août 1922), puis occupa à nouveau Smyrne en septembre. Par le nouveau traité de Lausanne en 1923, la Turquie actuelle accède à son indépendance, le sultanat est aboli en 1922 et le califat en 1924. Le dernier souverain Mehmed VI Vehid-el-Ddin est déposé et la république proclamée le 29 octobre 1923 avec Mustafa Kemal pour président. Désormais l’empire ottoman n’existe plus et le nom de "Turc" remplace officiellement celui d'"Ottoman".

La structure de la société ottomane s’est articulée sur un ensemble culturel et religieux complexe qui assurait la persistance de l’État ottoman. Mais les défaites successives de l’armée ottomane au cours des XVIIIe et XIXe siècles, et l’infiltration croissante de l’Occident dans les affaires internes de l’empire ont obligé les dirigeants de l’État ottoman à abandonner le mode traditionnel de gouvernement et à s’ouvrir sur l’Europe. En effet, l’effondrement de l’empire ottoman peut s’expliquer par l’échec du mouvement de réforme qui a caractérisé les XIXe et XXe siècles. Conscients de la nécessité de moderniser l’appareil politique et administratif, les hommes des Tanzimat n’ont pas pu résoudre les problèmes essentiels qui résidaient au sein même de la société ottomane.

La persistance de traditions religieuses séculaires ancrées dans la mentalité des peuples de l'Empire ont contribué à privilégier le rôle des communautés au détriment de celui des individus. De plus, est apparu un antagonisme entre les communautés qui a précipité la fragmentation de l’empire et la perte de cohésion de la société ottomane. En effet, les divers courants de pensée qui ont essayé de sauver l’empire (ottomanisme, panislamisme, touranisme, nationalisme) n’étaient qu’une alternative à l’échec du courant précédent. Dans cette situation de détérioration politique, économique et sociale, la chute de l’empire ottoman n’était qu’une question de temps. La Première Guerre mondiale a donné le coup de grâce à cet édifice qui était lentement en cours d'érosion depuis quatre siècles.

 

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 7/ Le temps des troubles :

Sous les règnes de Mehmed III (1595-1603) et de son fils Ahmet Ier (1603-1617), l’empire est en proie à des révoltes et à des soulèvements militaires, notamment celui des spahis à Constantinople au début de l'année 1603. Pour tenter d’assurer leur pouvoir, les sultans ottomans changent fréquemment les vizirs, les conseillers, les chefs militaires et les membres de la haute administration. Il en résulte que les administrateurs s’efforcent de réaliser des fortunes rapides par tous les moyens. Le personnel subalterne, moins surveillé, s’empresse de les imiter. Des peuples soumis, pressurés par les fonctionnaires, se soulèvent contre les Turcs, notamment les Druzes.

Après l’humiliant traité signé avec les Séfévides en 1590, les Ottomans occupent la Géorgie, le Chirvan, le Lorestan, et Tabriz avec une partie de l'Azerbaïdjan. La guerre reprend en 1603 avec la prise de Tabriz par Abbas Ier le Grand, qui reconquiert en quelques années l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Mésopotamie avec Bagdad sur les Ottomans (1612).

En Europe, la paix de Zsitvatorok (Hongrie) conclut la Longue Guerre avec le Saint-Empire romain germanique. Le sultan consent pour la première fois à traiter à égalité avec l'empereur et le tribut annuel est transformé en « présents ». La Porte conserve Kanizsa, Esztergom et Eger, mais abandonne la région de Vac. Sa progression vers l'est est stoppée.

Au début du XVIIe siècle, l’armée turque est forte de 150 000 à 200 000 hommes. Elle comprend trois éléments : les odjaks, milices soldées par le Trésor (janissaires, spahis, artilleurs, soldats du train, armuriers, gardes des jardins palatins), troupes irrégulières, de moins en moins recrutées et les troupes de province, fournies par les feudataires (les plus nombreuses). Les fiefs (timars et zaïms) attribués à des militaires (sipahi) qui doivent fournir un contingent passent progressivement aux serviteurs du seraï, ce qui les soustrait aux obligations du service. Les troupes de province fournissent de moins en moins de soldats. De 1560 à 1630, les odjaks augmentent d’autant, surtout le corps des janissaires, multiplié par quatre. La pression fiscale augmente et alimente des troubles provinciaux. Les janissaires forment un État dans l’État et sont recrutés de plus en plus parmi les musulmans. Ils obtiennent le droit de se marier et s’installent dans la vie de garnison, spécialement à Constantinople. Les Turcs obtiennent l’autorisation de servir parmi les janissaires, autrefois composés exclusivement d’esclaves chrétiens. Le corps des janissaires devient une garde prétorienne et arbitre les compétitions dynastiques.

Après l'assassinat du sultan Ibrahim Ier en 1648 et jusqu'en 1656, avec l’avènement du vizir Mehmet Köprülü, une période se démarque, le Sultanat des femmes. En fait, la plupart des Sultans de cette période ont peu de pouvoir. Le harem impérial, dirigé par la mère du Sultan, dirige en fait le pouvoir politique. La première aurait été Nurbanu, véritable maîtresse de l'Empire dans les années 1560. Le Baylo vénitien Andrea Gritti décrit la « Femme Sultan » Hürrem Sultan (Roxelane) comme une femme au pouvoir extraordinaire et dotée d'une force de caractère rare. Lors de la succession d'Ibrahim Ier (1640-1648), le harem impérial est le théâtre d'un conflit généralisé entre certaines concubines et la mère de Mehmed IV, le successeur d'Ibrahim.

 8/ Une petite renaissance :

Finalement, cette période voit la naissance d'un contre pouvoir, celui des Grands Vizirs, avec la nomination comme Grand Vizir de membres de la famille Köprülü. Entre 1656 et 1703, ils entament une restructuration de l'Empire et de sa grandeur. Mehmed Pacha Köprülü commence par réformer l'armée. Ensuite, son fils, et successeur, supprime le pouvoir des « femmes sultans ». Le vizirat Köprülü a profité de la baisse du pouvoir des sultans pour satisfaire son désir de pouvoir et de gloire. C'est surtout au niveau militaire qu'il réussit à redorer le blason terni des Ottomans. Leur pouvoir est restauré en Transylvanie, la Crète est complètement conquise en 1669, la Podolie est prise aux Polonais en 1676.

Cette période de conflit continu est prolongée avec le vizirat de Kara Mustafa (toujours un Köprülü, mais adopté par la famille) qui déclenche une guerre avec les Autrichiens en ne renouvelant pas la Paix de Vasvár conclue en 1664. Il assiège Vienne en 1683. Finalement, le roi Jean III Sobieski de Pologne bat les Turcs. Le pouvoir des Köprülü est alors presque tombé avec l'assassinat de Kara Mustafa par ses janissaires. L'alliance chrétienne de la Sainte Ligue finit par vaincre les Turcs et à leur imposer le traité de Karlowitz en 1699. Pour la première fois, l'Empire ottoman perd des territoires dont la Hongrie, qu'il avait repris, ainsi que le Banat. Économiquement ruiné, militairement asphyxié par ses ennemis, il s'enfonce dans une période de stagnation.

Seuls deux sultans auront su marquer leur temps par leur propre pouvoir : Murad IV (1612-1640) qui reprend Erevan en 1635 et Bagdad en 1639, au grand dam des Séfévides, et Mustafa II (1695-1703), qui mène les Ottomans dans la guerre contre les Habsbourgs pour finalement être vaincu à la bataille de la Zenta (11 septembre 1697).

 9/ L'empire assiégé :

Durant cette période de stagnation, une partie des territoires danubiens est cédée à l'Autriche. Des territoires comme l'Algérie ou l'Égypte deviennent de plus en plus indépendants vis-à-vis d'Istanbul. Sur leur frontière nord, vers l'Ukraine actuelle, les Ottomans font reculer l'Empire russe de Pierre le Grand, mais ils subissent une série de défaites cuisantes sous le règne de Catherine II, qui envoie sa flotte en mer Égée et s'empare de la Crimée en 1782.

Cette période se caractérise par une tentative des Sultans et des Vizirs de réformer leur Empire en déliquescence. L'ère des tulipes (Lâle Devri en turc), ainsi nommée en hommage à l'amour que portait le sultan Ahmet III à la plante, semble une sorte de retour de l'Empire ottoman sur le devant des scènes européennes, aussi bien économiques que politiques. Alors qu'une guerre contre l'Autriche vient d'être à nouveau perdue en 1718, et que l'Empire s'est vu humilié au traité de Passarowitz la même année, Ahmet III tente de nouvelles réformes envers le peuple : les taxes sont moins fortes, l'image de l'Empire est redorée, et des entreprises, semblables aux manufactures européennes, sont créées. Il tente aussi de moderniser l'armée avec des conseillers européens.

En 1730, un janissaire d'origine albanaise, Patrona Halil, fomente un complot contre le sultan Ahmet III. Celui-ci n'avait pas suivi les propositions de réformes proposées par Halil. Face à cela, Patrona Halil et d'autres janissaires proclament Mahmud Ier sultan. Ahmet III aura eu le temps de faire exécuter Halil mais doit quitter le pouvoir après cette insurrection.

Un autre problème s'ajoute en 1731 à la situation déjà mauvaise de l'Empire ottoman, celui du Caucase. Les Russes puis les Perses en réclament la suzeraineté. Les premiers réclamant ces territoires car habités par d'anciens Cosaques et les seconds parce qu'ayant autrefois été sous leur domination. En effet, estimant que la plus grande population cosaque habitait en Russie, il paraît normal pour l'Empire russe de les réunir. Ces Circassiens (autre nom pour les habitants du nord du Caucase), seraient en fait d'anciens cosaques immigrés d'Ukraine. Cette politique de l'ethnicité ne plait pas à la Sublime Porte, qui ne conçoit pas sa politique ainsi. Face à cela, les Russes menacent l'Empire ottoman et finalement, engagent une nouvelle guerre russo-turque qui durera de 1735 à 1739. Les Russes marchent sur la Crimée et les principautés danubiennes (Valachie et Moldavie). Durant cette guerre, le commandant russe Von Münnich écrase les Tatars vassaux des Ottomans puis passe le Dniestr. Il conquiert aussi la Bessarabie. La Russie n'a jamais autant contrôlé de terres autrefois ottomanes.

Profitant de la situation difficile des Ottomans, le nouveau shah de Perse, Nâdir Shâh, s'attaque à la Sublime Porte. Il ménage finalement le sultan en conquérant des villes précieuses ou des provinces importantes (Bagdad ou l'Arménie) puis les échangeant contre celles qui l'intéressent. Nâdir Shâh n'hésite pas à conquérir Bagdad et à la rendre aux Ottomans en échange de l'Arménie et de la Géorgie. En 1735, il signe un traité avec les Russes, qui, parmi d'autres termes, met fin à sa guerre contre les Ottomans.

 10/ La puissance des janissaires

La puissance de l'empire est de plus en plus de façade. Sa décadence devient évidente au XVIIIe siècle, sous le règne de Mustafa III. Lorsque son vizir, Ragihb Pasha, meurt en 1763, il décide de régner seul. Médiocre politicien, il ne sait pas non plus s'attacher de bons conseillers ou commandants militaires. Voltaire le compara à un « gros ignorant ». Face à cela, les janissaires arrivent à s'imposer et bloquent toutes les réformes voulues par le sultan. Ce n'est pas la première intervention de ces soldats d'élite dans la politique, puisqu'ils avaient déjà déposé ou tué quatre sultans, Mustafa Ier, Osman II, Ibrahim Ier et Mehmed IV, au cours du XVIIe siècle. Le pouvoir de ce corps de troupe va alors ne faire que grandir. Abdülhamid Ier, frère de Mustafa, ne peut empêcher l'annexion de la Crimée tatare par l'Empire russe de Catherine II en 1782. Désormais, la mer Noire n'est plus sous le contrôle total des Ottomans. Dans cette série des règnes destructeurs pour l'Empire, celui de Sélim III, successeur du précédent, s'illustre par l'apogée du pouvoir des janissaires qui, n'acceptant pas ses idéaux réformateurs, se révoltent en 1807 et l'assassinent en 1808.

 11/ Tentative de modernisation :

Au XIXe siècle, l'Empire — surnommé « l'homme malade de l'Europe » par l'empereur russe Nicolas Ier en 1853, lors d'une conversation avec l'ambassadeur britannique — diminue territorialement, mais entame un processus de modernisation afin de retrouver sa puissance et sa prospérité d'antan. Cette période débute en 1808 avec la charte de l'Union (Sened-i Ittifak) signée entre le sultan et les chefs féodaux et qui confirme le pouvoir de ces derniers face à l'administration centrale. Vient ensuite l’édit de Tanzimat (Tanzimat Fermani) en 1839 où l'administration centrale annonce des mesures législatives dans le but de moderniser l'empire. Durant cette période, des pays européens tels que la France et le Royaume-Uni ont beaucoup influencé l'Empire ottoman. Une autre réforme entreprise à cette époque est l'abolition de l'esclavage en 1847. Cette période de réformes qui est appelée « Tanzimat » se poursuit par la Ire Constitution monarchique du 23 décembre 1876.

En 1830, la Grèce, soutenue par les puissances occidentales, obtient son indépendance. Le gouverneur de l'Égypte, Méhémet Ali, se comporte comme un souverain indépendant et obtient que son fils lui succède, ce qui constitue un précédent. L'Empire ne fait face à l'expansion de la Russie que parce que le Royaume-Uni et la France le protègent, notamment au cours de la guerre de Crimée. Protection coûteuse : la France s'empare de l'Algérie puis de la Tunisie, le Royaume-Uni de l'Égypte, indépendante de fait depuis le début du XIXe siècle.

La guerre de Crimée a révélé la faiblesse financière de l'empire : absence de vrai budget, irrégularité des rentrées fiscales, endettement croissant. Les finances et douanes de l'empire passent sous la tutelle de la Banque impériale ottomane, créée en 1863 et dirigée par un consortium franco-anglais.

L'Empire est incapable d'empêcher l'indépendance de plusieurs pays des Balkans, perdant de plus en plus de territoires en Europe. Dès janvier 1876, il est mis en difficulté par une insurrection bosniaque, qui se conjugue avec un vaste soulèvement en Bulgarie et dégénère en conflit militaire entre la Russie et l'Empire ottoman. Battue, la Turquie refuse de signer le protocole élaboré à Londres par les grandes puissances, ce qui inquiète les investisseurs. En un mois, l'emprunt public français de référence perd quatre points, l'italien six points et le russe dix points.

12/ La chute :

Articles connexes : Génocide arménien, Génocide assyrien, Génocide grec pontique, Grande révolte arabe de 1916-1918 et Traité de Sèvres.

En 1913, la défaite de la Seconde Guerre balkanique amène les Jeunes-Turcs (Parti Union et Progrès) au pouvoir. Leur volonté de relever l'empire les entraîne dans l'alliance avec l'Empire allemand. En 1914, ils déclarent la guerre à l'Entente, et entreprennent de grandes offensives vers l'Égypte et le Caucase. Ce sont des échecs : l'empire n'a pas les moyens de sa politique, il est ravagé par les épidémies et les famines. Des tensions internes apparaissent alors dans tout l'empire. La Grande révolte arabe a lieu entre 1916 et 1918. La rébellion est menée par Hussein ben Ali, chérif de La Mecque, afin de libérer la péninsule Arabique et de créer un État arabe unifié allant d’Alep à Aden. L'appel à la guerre sainte, lancé par le sultan comme calife de l'islam, a peu d'échos. L'existence même de l'Empire est menacée aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur.

En 1915, le noyau du parti organise, sous le commandement du ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, une politique de déportation et de massacre des Arméniens ottomans, politique appelée génocide arménien, faisant entre 800 000 et 1 500 000 morts selon la majorité des historiens, et entre 300 000 et 500 000 victimes selon l'État turc actuel. Celui-ci refuse le terme « génocide » et préfère parler de massacres, en les justifiant parfois par la menace que constituait pour la Turquie une population chrétienne arménienne vivant de part et d'autre de la frontière Russo-Turque13. La culpabilité de Talaat, Enver Pacha et autres dirigeants Jeunes-Turcs, a bien été reconnue par la justice ottomane qui les a condamnés à mort par contumace en juillet 1919, mais ce verdict a été annulé ensuite par la réaction nationale turque. En fait, certains considèrent qu'il s'agit du premier génocide du XXe siècle : les deux tiers de la population arménienne de l'Empire ottoman furent exterminés. C'est également dans ce contexte troublé que, entre 1914 et 1920, a lieu le génocide assyrien causant la mort de 500 000 à 750 000 personnes ce qui représente environ 70 % de la population assyrienne de l'époque. Le génocide grec pontique fait lui entre 350 000 et 360 000 mortsentre 1916 et 1923.

La Première Guerre mondiale achève son démembrement car l'Empire ottoman, allié aux Austro-Hongrois et aux Allemands, se trouve dans le camp des vaincus. À la suite du traité de Sèvres, ses territoires arabes (Syrie, Palestine, Liban, Irak, Arabie) sont placés par décision de la Société des Nations sous mandats britannique et français (voir accord Sykes-Picot). La côte égéenne est occupée par les Grecs et les Italiens.

 13/ Vers la république :

L'effondrement de l'empire éveille le sentiment national turc. Les anciens combattants se rassemblent autour du maréchal Mustafa Kemal Atatürk, qui chasse les Européens d'Anatolie et s'impose comme chef du gouvernement, reléguant le sultan à un rôle honorifique. En 1923, il abolit l'Empire ottoman et fonde sur le territoire restant, l'Anatolie, la grande partie ouest du haut-plateau arménien et la Thrace orientale, la Turquie moderne ou la République de Turquie, État successeur de l'Empire ottoman. En 1924, il met fin au califat, dernière trace des institutions impériales.

La guerre d’indépendance turque (en turc : Kurtuluş Savaşı) est le nom donné aux conflits qui se déroulèrent en Turquie du 19 mai 1919 au 11 octobre 1922, date de la signature de l'armistice : guerre civile turque puis conflits franco-turc, arméno-turc et gréco-turc, qui opposèrent la résistance nationaliste turque menée par Mustafa Kemal aux puissances alliées victorieuses de l'empire ottoman à la suite de la Première Guerre mondiale, et à l'armée du sultan ottoman.

Par leur victoire, les armées kémalistes forcèrent les Alliés à renoncer aux clauses du traité de Sèvres et à négocier le traité de Lausanne en juillet 1923. La guerre d'Indépendance aura pour conséquence de provoquer la chute du sultanat turc et du système monarchique ancestral, lequel sera remplacé aussitôt par la République turque actuelle. Ce changement radical de régime sera l'amorce d'un processus révolutionnaire qui se poursuivra dans les années qui suivent sous la houlette du kémalisme.

À l'issue de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman étant l'un des empires centraux, se retrouve dans le camp des pays vaincus, comme ses alliés l'Empire allemand, l'empire d'Autriche-Hongrie et le Royaume de Bulgarie. Le 10 août 1920, le traité de Sèvres, signé entre les alliés et les mandataires du sultan Mehmed VI, ampute l'empire turc d'une grande partie de ses territoires qui deviennent soit indépendants (Arménie), soit autonomes (Kurdistan turc), soit sont placés sous l'influence et l'occupation des puissances victorieuses (accords Sykes-Picot).

Ainsi, les régions arabophones du Proche-Orient s'émancipent et sont placées pour certains d'entre elles, sous mandat de la Société des Nations qui les confie à la France (Liban et Syrie) et au Royaume-Uni (Irak et Palestine). Les vilayets de Van, Bitlis, Trébizonde et Erzurum doivent être intégrés à la République indépendante d'Arménie, la détermination de la frontière étant soumise à l'arbitrage du président américain (articles 88 à 94 du traité). Un « territoire autonome des Kurdes » englobant le sud-est de l'Anatolie est également constitué (articles 62 à 64 du traité), placé sous zone d'influence française pour la partie occidentale et britannique pour la partie orientale.

De plus, d'autres zones d'influence sont également octroyées :

aux français : la Cilicie, jusqu'au nord, bien au-delà de Sivas ;

aux italiens : la ville d'Adana et toute la région avoisinante, ainsi que le Dodécanèse et une zone d'influence allant de Bursa à Kayseri, en passant par Afyonkarahisar.

aux grecs : la ville de Smyrne et l'ouest de l'Anatolie, la Thrace orientale (qui comprend Andrinople et Gallipoli) jusqu'à la Maritsa et les îles.

Enfin, Istanbul, les côtes de la mer de Marmara et les Dardanelles sont démilitarisées. Les détroits sont placés sous le contrôle d'une commission internationale.

Il ne reste à l'Empire ottoman que 783 562 km² kilomètres carrés (soit environ 23 % des 3 400 000 km² d'avant la guerre), et un système de « garanties » vient limiter sa souveraineté sur ce territoire restant et notamment sur les détroits stratégiques du Bosphore et des Dardanelles. Entre autres, les finances du pays doivent être administrées par des commissions étrangères, et une grande part des ressources doit être affecté en priorité aux frais d'occupation et au remboursement des indemnités dues aux Alliés. Des commissions sont aussi créées afin de dissoudre intégralement l'armée pour la remplacer par une force de gendarmerie. Par ailleurs, la police, le système fiscal, les douanes, la poste, les eaux et forêts, la flotte marchande, les écoles privées et publiques doivent être soumis au contrôle permanent des Alliés.

Le sultan Mehmed VI voyant son autorité s'effriter, met à prix la tête Mustafa Kemal, dont la popularité ne cesse de grandir en raison de son refus intransigeant de ce traité. Dès lors, Kemal considère le sultan comme une marionnette des Alliés et propose l'abolition du régime monarchique. Les nouveaux députés élus lors d'un scrutin organisé par Kemal se réunissent à Ankara et le 23 avril 1920, un nouveau pas vers la création de la république turque est accompli avec la fondation de la Grande assemblée nationale de Turquie (Türkiye Büyük Millet Meclisi). Le 29 avril 1920, un Comité exécutif est élu. Ce comité déclare que le nouveau parlement est le gouvernement légal et provisoire du pays. Celui-ci refuse catégoriquement alors les clauses du traité de Sèvres. Menacé, le sultan signe avec les Alliés un accord secret plaçant l'Empire ottoman tout entier sous mandat britannique et stipulant que le sultanat « met la puissance morale et spirituelle du Califat au service du Royaume-Uni dans tous les pays musulmans où s'exerce son influence. ».

Le sultan, relayé par les Hodja et les religieux, exhorte alors les Turcs à prendre les armes contre les nationalistes de Kemal, présentés comme les « ennemis de Dieu ». L'inévitable guerre civile éclate dans toute sa brutalité. À Konya, les loyalistes arrachent les ongles et écartèlent les partisans de Kemal. En représailles, les notables de la ville sont pendus publiquement par les forces kémalistes.

Au début, les nationalistes essuient plusieurs défaites, et l'armée du Sultan se rapproche d'Ankara, siège du nouveau parlement. Des désertions ont lieu dans les troupes de Mustafa Kemal. Ce dernier se voit contraint de se replier. Des militaires nationalistes qui devaient reprendre la ville d'Hendek aux loyalistes, fraternisent avec ceux-ci. Quelques jours plus tard, une division kémaliste entière est exterminée par l'Armée du Calife qui vient de conquérir une douzaine de grandes villes turques. Une mutinerie éclate au sein d'une milice kémaliste qui passe sous le contrôle du sultan. De son côté le général kémaliste Kazım Karabekir a du mal à tenir son armée.

Face à l'avancée des forces gouvernementales, Mustafa Kemal se replie avec ses gardes du corps dans les bâtiments d'une ancienne école d'agriculture, où il vit en état d'alerte permanente, pour se protéger des agents du sultan voulant l'assassiner.

Mais à mesure que les clauses du traité de Sèvres, signé l'été 1920 et qui consacre le dépècement de l'Empire, sont connues (et aussi à mesure que les armées Alliées et les Commissions de contrôle prennent position dans le pays), le gouvernement du sultan perd le soutien des Turcs qui se tournent de plus nombreux vers les nationalistes. Le mouvement s'inverse, et les soldats de l'Armée du Calife décident l'arrêt des combats. Mustafa Kemal amnistie tout militaire qui se joindrait (ou qui reviendrait) à lui, charge ses généraux d'organiser la défense nationale et constitue un gouvernement de « salut public ». L'Armée du Calife se désagrège d'elle-même et l'on assiste dans certaines unités à des violences où des chefs se font égorger par leurs propres hommes qui estiment avoir été trahis. Début septembre 1920, elle a pratiquement disparu, sauf à Izmit où elle sert de couverture à la garnison britannique.

La désagrégation de l'Armée du Calife réduit à néant le pouvoir du sultan en Turquie, met fin à la guerre civile et inaugure les débuts de la guerre d'indépendance contre les troupes d'occupation.

 14/ Organisation :

L’Empire ottoman a développé au cours des siècles une organisation de l’État qui reposait sur un gouvernement très centralisé avec le sultan comme dirigeant suprême, qui exerçait un contrôle effectif sur les provinces, les citoyens et les fonctionnaires. La richesse et la position sociale n’étaient pas nécessairement reçues en héritage, mais pouvaient être acquises par la reconnaissance des mérites. Cette évolution des positions sociales était marquée par l’attribution de titres tels que vizirs et ağas. Le service militaire était un élément clé de l’avancement dans la hiérarchie.

Les divisions territoriales de la structure administrative de l’Empire ottoman ont été d’abord fondées sur une organisation militaire ayant aussi des fonctions exécutives civiles. Les États vassaux et tributaires, qui gardèrent leurs propres structures d'État, n'entraient pas dans le système (Khanat de Crimée, Moldavie, Transylvanie, Valachie, et quelques autres).

On considère généralement, du point de vue de l’organisation administrative de l’Empire, qu’il y a eu deux principales époques :

celle de la mise en place du système qui a évolué avec la montée en puissance de l’Empire ;

celle qui résulta des vastes réformes administratives de 1864, qui préparèrent l'avènement de la Turquie moderne.

La première organisation remonte aux débuts de l’histoire ottomane, lorsque les Ottomans n’étaient qu’un petit État vassal de l’empire seldjoukide (Uç Beyliği) formé dans le centre de l’Anatolie. Autour de ce puissant état, une série de vassaux, les émirs, constituèrent des petites principautés avec les territoires pris aux états voisins, notamment l'Empire byzantin et ses états successeurs. Ces émirs avaient tout pouvoir dans leurs fiefs, mais devaient allégeance au sultan seldjoukide qui pouvait les révoquer et en nommer d'autres.

1299-1453 : Une structure administrative basée sur le système seldjoukide :

Les émirats évoluèrent avec le temps jusqu'à se substituer à l'Empire seldjoukide et à occuper la totalité de l'Anatolie (au XIVe siècle ils étaient au nombre de treize : Banu Eretna, Ğazi Çelebi, Isfendiyar Oğulları, Osman, Karası, Saruşan, Aydın, Menteşe, Germiyan, Hamid, Tekke, Karaman et Dulgadı). À peine ralenti par l'invasion de Tamerlan, l'émirat d'Osman absorba progressivement les autres et y nomma des pachas dotés de tous pouvoirs : le système seldjoukide devint ainsi un système ottoman.

29 mai 1453 : Avènement de l’empire ottoman et chute de l’empire romain d’Orient :

Dans l'Empire byzantin déclinant et ses états successeurs (Empires de Nicée et de Trébizonde, despotats d'Épire, de Dobrogée et de Mistra), il n'y avait pas non plus d'aristocratie héréditaire, mais des offices, dont celui de thémarque qui était semblable à celui de pacha chez les ottomans. Les thémarques gouvernaient un thème formé de paroisses, groupées en diocèses. Une fois le pouvoir ottoman substitué au pouvoir byzantin, les thèmes devînrent des sandjaks et le pacha, le bey ou l'ağa se substituèrent au thémarque, l'évêque du lieu devenant le représentant, auprès du chef musulman, des habitants chrétiens.

1453-1512 : Une structure administrative adaptée au fil des conquêtes :

En 1457-1458, le sultan Mehmed II installe la capitale à Constantinople et promulgue le premier code de loi turc : le Kanun-name. Il jette les fondements de l’organisation de l’empire. Le gouvernement est dirigé par le grand vizir, nommé par le sultan et assisté de quatre vizirs, dont le reis ul kuttab (chef des secrétaires), le kahya bey (intérieur) et le reis efendi (affaires étrangères). Le divan, sorte de conseil des ministres, réunit quatre fois par semaine les vizirs, les aghas (chefs de troupes), le kapoudan pacha (grand amiral), les deux juges de l’armée (kadi 'asker), le nichandji (garde des Sceaux), les defterdar (chefs des impôts, un pour la Roumélie et un pour l'Anatolie), les deux beylerbey (gouverneur, répartis de la même manière). Les provinces (sandjak) sont administrées par des beys ou des pachas chargés de rendre la justice, de maintenir l’ordre, de percevoir l’impôt, de le faire parvenir au pouvoir central et de fournir le contingent militaire.

Il se développe à la fin du XVe siècle une classe de hauts fonctionnaires. La majorité sont des chrétiens convertis, souvent d’origine modeste (la conversion des chrétiens pauvres leur permettait d'échapper au kharadj, impôt sur les non-musulmans, et de ne plus se faire enlever leurs fils pour les janissaires). Ces "esclaves de la Porte" (kapi kullari) deviennent prépondérants sous Bayezid II (1481-1512). Les Grands vizirs se recrutent presque toujours parmi eux. Ces kapi kullari sont recrutés dans les Balkans (Albanais, Bulgares, Serbes), en Asie mineure (Grecs) et dans le Caucase (Géorgiens, Arméniens) par le système du devchirmé, qui connaît son apogée au XVIe siècle. Coupés de leurs racines, les enfants de chrétiens élevés en turcs aux frais du sultan, ainsi valorisés et bien récompensés, lui sont tout dévoués2.

Au sommet du système politique se trouve le sultan. Compte tenu de la polygamie et des très nombreuses fratries ou demi-fratries issues des harems, la succession est réglée de manière sanglante : le fratricide est institutionnalisé par décret sous Mehmed II. En effet, comme le droit turc ne reconnaît pas la primogéniture, le sultan a son avènement doit massacrer tous ses frères ou demi-frères. Chaque changement de règne provoque de violents conflits de successions, auxquels participe activement le corps des janissaires. Le sultan est un monarque universel élu de Dieu. Il est obligatoirement choisi dans le clan turc des osmanli.

1512-1699 : Le siècle d’Or de l’empire ottoman :

Les conquêtes de Selim Ier et de Soliman le Magnifique au XVIe siècle et de leurs successeurs au XVIIe siècle exigent une augmentation importante du nombre des unités administratives. À la fin du siècle, on compta 42 eyalets (territoires gouvernés par des pachas).

1699-1864 : Une lente décadence :

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L'année 1699 voit l'Empire ottoman perdre de grands territoires en Europe centrale, au profit de l'Empire d'Autriche, et durant le XVIII siècle en Europe orientale et dans le Caucase, au profit de l'Empire russe. Le nombre des divisions administratives et leurs différences de statuts augmentent pourtant, pas fragmentation des unités existantes et par les franchises accordées par le sultan à ses favoris, dont certains finissent par être autonomes, voire indépendants de facto. En 1789, il y avait 49 eyalets avec cinq statuts différents : pachalıks, beylıks, sandjaks, sharifats ("şeriflığı") et mutassarifats ("mutasarrıflığı") et un khédivat (l'Égypte). Ainsi, entre 1804 et 1849, un pacha albanais, Méhémet Ali, khédive d'Égypte, se comporte non seulement en souverain indépendant, mais va jusqu'à faire la guerre et arracher des territoires (jusqu'en Grèce) à son suzerain, le sultan ottoman.

 

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 La structure administrative :

Le découpage administratif de l’Empire ottoman en eyalets ("provinces", en turc moderne: il) correspond au premier recensement moderne de l’Empire turc entrepris en 1831. Ce découpage est ensuite modifié pour être remplacé en 1864 par une division en vilayets. Chaque "vilayet" est une entité administrative correspondant à une province. Il est divisé en sandjakdépartements –, les sandjak en caza ou qadaa ( (en) source - ou Kaza en translittération anglo-saxonne) – cantons ou districts –, les caza en nahié –, communes. Le vilayet est administré par un vali – gouverneur général – dont dépendent les administrateurs du sandjak, mutessarif – gouverneurs. Le mutessarif contrôle les kaïmakam – sous-gouverneurs du caza – et les mudir – maires des nahié.

Le statut des personnes :

Asker et Re'aya

La société ottomane est divisée en asker (ou askeri: fonctionnaires) et re'aya (ou rayah: sujets). Les asker, souvent d’origine chrétienne mais convertis, travaillent dans l’armée et l’administration et sont exemptés d’impôts. Bien plus nombreux, les re'aya constituent la masse des producteurs contribuables, qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans. Parfois artisans dans les villes ils sont le plus souvent cultivateurs. Ces paysans n’ont que l’usufruit de la terre qu’ils cultivent, qui appartient entièrement au sultan (comme elle avait auparavant appartenu à l'état byzantin ou à l'émirat turc précédant l'Empire ottoman). Ils ont la possibilité de la quitter, avec cependant des restrictions, pour aller s’installer ailleurs.

Le timar est à la base du système d’imposition. Son détenteur, le timariote, exploite à bail ou à fermage des terres sur lesquelles il perçoit des revenus fiscaux qu’il est chargé de collecter; une partie va au sultan. En contrepartie, il doit entretenir une cavalerie mise à la disposition du sultan en cas de besoin.

Les Jaour ou Ghiaour (troupeau)

Les ghiaours sont, dans l'empire, ceux qui ne sont pas musulmans. Le mot est l'adaptation en turc du persan gıdwr ou gıbır. Le terme, péjoratif à l’origine, est devenu d’usage courant3.

Aux XVe et XVIe siècles, le sultan ne favorise pas la conversion à l’islam des peuples de l’empire. Les non-musulmans, chrétiens et juifs (Gens du Livre), majoritaires dans l’empire (58 % des foyers fiscaux dans les années 1500) sont soumis à des impôts supplémentaires, un impôt personnel, la jizya et un impôt foncier le kharadj, en échange desquels ils obtiennent le statut de protégés (dhimmis). Les législations coutumières sont conservées localement en complément de la loi islamique. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les conversions à l'islam se multiplient. Les conversions forcées étaient plutôt rares : on connaît le cas des Géorgiens de la région de Kars et de certaines tribus albanaises catholiques du Monténégro. Elle était également forcée pour les Bulgares (Pomaks) et les Grecs. L'immense majorité des conversions, de la Bosnie à la Mésopotamie s'est faite chez les chrétiens et les juifs pauvres pour ne plus payer le kharadj et ne plus se faire enlever leurs fils pour les Yeni-çeri (janissaires). C'est pourquoi les Turcs actuels sont, en majorité, de type caucasien, alors que les peuples turcs d'Asie centrale ont un phénotype asiatique. Et c'est pourquoi au XIXe siècle, la majorité des membres des millets Rum et Arménien était plutôt composée de propriétaires et de commerçants aisés que de pauvres manœuvres, car seuls les foyers aisés pouvaient aisément payer le kharadj. Au milieu du XIXe siècle, 19 % des foyers fiscaux sont soumis à la jizya et au kharadj.

Le ramassage des enfants ou devchirmé et la création des Janissaires :

Les Ottomans prélevaient « l’impôt sur le sang » (ou devchirmé) sur les populations des territoires nouvellement conquis, que ce soit dans les Balkans, en Anatolie. Les adolescents ne devaient pas être trop jeunes, pour pouvoir supporter les longs déplacements, et pas trop âgés, pour qu’ils puissent perdre leur culture d’origine et changer de religion. Circoncis à leur arrivée, ils étaient convertis de force à l’islam et fanatisés. Les meilleurs éléments étaient intégrés dans le corps des janissaires (Yeni Ceri : « nouvelle troupe » - 12 000 à l’époque de Soliman le Magnifique (1520-1566), 48 000 sous Murad III (1574-1595) et 140 000 au XIXe siècle). Les plus brillants devenaient fonctionnaires.

C’est ainsi que sur les vingt-six Grands Vizirs dont nous connaissons l’origine, onze étaient albanais, six grecs, d’autres encore circassiens, arméniens, géorgiens, ou même italiens et seulement cinq turcs. Plusieurs d’entre eux marqueront leur période, parmi lesquels Mehmed pacha Sokolović, grand vizir de trois sultans successifs et d’origine serbe de Bosnie-Herzégovine, Ali Pacha,,d’origine dalmate, ou Ibrahim Pacha, grec de la côte adriatique.

Les janissaires (en turc Yeniçeri, en turc ottoman يكيچري, yényitchéri, littéralement « nouvelle milice ») formaient un ordre militaire très puissant composé d'esclaves d'origine chrétienne et constituant l'élite de l'infanterie de l'armée ottomane à l'apogée de l'Empire ottoman.

Les janissaires appartenaient à la classe des esclaves de la Porte, qui occupait les postes les plus influents dans l'administration et l'armée.

Les Turcs, originaires des steppes asiatiques, sont d'excellents cavaliers, mais de piètres fantassins. Aussi mettent-ils sur pied une armée composée exclusivement d'Européens. À partir du XIVe siècle, les Turcs prélèvent ainsi régulièrement en pays conquis de jeunes enfants chrétiens âgés de 10 à 15 ans. Chaque année, par le biais du devshirme, entre 2 000 et 12 000 de ces enfants sont donc enlevés et acheminés à Istanbul où ils commencent leur noviciat qui les transforme en Turcs, musulmans, et experts de la guerre. Le taux de mortalité des enfants esclaves était très important. Leur statut d'esclaves n'est pas infamant, car les janissaires forment une élite respectée et redoutée de tous. Les plus "chanceux" accèdent d'ailleurs aux plus hautes charges de l'administration impériale : entre 1453 et 1623 tous les vizirs (sauf cinq) sont des janissaires.

Création

La date exacte et les circonstances de la création du corps des janissaires font débat chez les historiens qui l'attribuent soit à Orhan le deuxième sultan ottoman, soit à son fils Mourad, au cours du XIVe siècle.

La légende veut qu'avant la création de l'ordre des janissaires, Orhan Gazi se rend à la confrérie de Haci Bektas Veli pour lui demander une bénédiction pour sa nouvelle armée. Haci Bektas Veli propose alors d'appeler ce corps armé la « Yeniçeri » ou « Nouvelle armée ».

L'ordre des janissaires de confession sunnite depuis leur entrée au devchirmé est largement parrainé par le mouvement Bektachi. Cette confrérie religieuse influence alors grandement la vie spirituelle de l'élite ottomane, et a un rôle majeur dans l'éducation des futurs janissaires : morale islamique et « esprit de corps ». L'Ağa des janissaires, chef suprême, est même membre à part entière des Bektachi.

Progressivement, les janissaires forment l'épine dorsale de l'armée en se substituant aux autres types d'infanterie auparavant utilisés par l'armée ottomane. Ils prouvent leur valeur, notamment à la bataille de Nicopolis en 1396 contre la croisade hongroise.

Janissaires grecs, par Jean-Léon Gérôme, peinture de 1865.

Les janissaires acquirent rapidement un rôle de « garde prétorienne », avec les implications politiques afférentes, notamment dans les crises de succession. Ils devinrent un pouvoir au sein de la cour du sultan, et les réformes décidées par celui-ci ne touchaient jamais leurs privilèges.

Lente décadence du corps des janissaires

Vers la fin du XVIe siècle, le recrutement des janissaires commence à s'effectuer parmi les Turcs (le devchirme — rapt d'enfants chrétiens — disparaît au début du XVIIIe siècle) et le statut de janissaire évolue. Désormais ils sont autorisés à exercer un métier, à se marier et à avoir des enfants qui sont appelés couloughlis (« fils d'esclave »). Ils deviennent une troupe de plus en plus indisciplinée, qui n'hésite pas à se révolter contre le Sultan : ils renversent alors leur marmite en signe de rébellion. Ils se dressent contre Bayezid II en 1512, Mourad III en 1595, Osman II en 1622, Ibrahim Ier en 1648, Mustafa III en 1774, Selim III en 1807 et Mustafa IV en 1808.

De même en 1817, alors que la ville était vassale des Ottomans, une violente mutinerie éclata à Alger dans toutes les casernes des Janissaires au sujet des couloughlis (« fils d'esclave »). Le Dey d'Alger les massacra avec des mercenaires, des contingents kabyles et berbères afin de réaffirmer l'ordre à Alger.

Fin des janissaires

Au XIXe siècle, les révoltes des janissaires se font plus nombreuses car ils refusent toute modernisation de leur corps. Cette situation conduit le sultan Mahmoud II à se débarrasser définitivement de ce corps de plus en plus encombrant. Le 16 juin 1826, il donne le signal en faisant déployer l’étendard sacré du prophète de l'islam Mahomet. La masse populaire, préparée par les oulémas, se précipite en renfort de l’armée. Les janissaires sont massacrés à coups de boulets, incendiés dans leurs casernes (plus de 8 000 morts), et égorgés dans les rues. Les jours suivants, des commissions militaires passent les rescapés par les armes, à Istanbul et dans les provinces. Sur un effectif de 140 000 hommes, 20 000 seront bannis, les autres étant, en majorité, massacrés ou exécutés (120 000 morts), hormis à Alger que cette dernière révolte des janissaires laissa « sourde ».

En 1830, les armées françaises remarquent, lors du débarquement, des troupes de janissaires défendant Alger, même si leur ordre militaire avait été dissous 4 ans auparavant. On considère que ce furent les derniers janissaires de l'Empire ottoman.

Le corps des janissaires dans l'armée ottomane

Recrutement

Le corps des janissaires était exclusivement composé d'enfants chrétiens réduits en esclavage, les deux principaux modes de recrutement étant la capture à l'occasion de guerres ou de raids, ou la réquisition selon le système du devchirmé (« cueillette » en turc), à raison d'un fils sur quarante. Les familles des 39 enfants non choisis devaient financer le voyage du quarantième jusqu'à la capitale.

Les janissaires pouvaient donc être issus de familles grecques, bulgares, serbes, russes, ukrainiennes, roumaines, albanaises, croates, hongroises, arméniennes ou géorgiennes. Ce recrutement permettait à l'Empire ottoman de renforcer son armée tout en affaiblissant ses sujets chrétiens potentiellement insoumis. La création de ce corps d'armée selon les Turcs ne contredit pas l'application de la charia et les réalités de la conquête ottomane amorcée sous le sultan Orhan. Si la charia interdit la réduction en esclavage d'enfants et d'hommes musulmans, les esclaves chrétiens, capturés très jeunes, formés et islamisés contournent le problème dogmatique pour les Turcs. Les janissaires ont donc le statut d'esclaves.

Principalement destiné à former les corps de troupes d'élite de l'armée ottomane, le corps des janissaires fournissait également les hauts fonctionnaires de l'Empire et certains de ses membres pouvaient être promus au rang de " sipahi de la porte" comme cavaliers d'élite.

Progressivement, le recrutement ne fut plus assuré par le Devshirmé, mais par un recrutement interne à la population ottomane. En Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Libye) une bonne partie des janissaires se recrutait parmi les renégats convertis à l'Islam.

Structure

L’ocak (corps) des janissaires fait partie des Kapı Kulari (esclaves de la Porte), c’est-à-dire de l’armée impériale directement placée sous les ordres du sultan. L’ocak est placé sous le commandement de l’aga des janissaires (l’un des personnages les plus importants de l’empire). Il est composé de trois « régiments » ou « sections » : le ceemat (assemblée), le bölük (division) et le segmen (dresseurs de chiens) qui contiennent un nombre disparate de compagnies (ortas) dont certaines sont totalement dévouées à l'administration de l'empire et ne comptent aucun combattant. Les ortas de janissaires sont initialement de petites unités de quelques dizaines de soldats. En fait, aucune règle ne régit leur composition qui varie énormément d'une orta à l'autre et d'une époque à l'autre. Certaines d’entre elles sont spécialisées (escorte du train, maîtres chiens, veneurs…) mais la majorité d’entre elles sont des unités combattantes assurant de plus en plus souvent le rôle de garnisons dans les provinces reculées de l’empire.

Armement et équipement

Le janissaire est habillé d’un grand caftan qui ne correspond pas à l’idée qu’on peut se faire d’un uniforme ; sa couleur pouvait varier au sein d’une unité (on trouve principalement le rouge, bien que le bleu et parfois le vert soient également courants, mais le jaune est réservé aux troupes de la garde). Le couvre-chef caractéristique (la fameuse couronne de cuivre dotée d’un vaste bonnet blanc retombant sur la nuque) tend à se raréfier vers les XVIIIe et XIXe siècles au profit d’une simple toque de laine lors des actions militaires ; le but principal du couvre-chef était de pavoiser et d’arborer les grandes plumes offertes par les supérieurs en récompense d’une action d’éclat ou pour avoir rapporté un certain nombre de têtes coupées adverses.

Le janissaire remplace peu à peu l'arc composite hérité des armées turques traditionnelles par un mousquet long et lourd adapté au tir de précision plutôt qu’au tir de salve. La cadence est lente et l’efficacité en bataille repose sur un feu précis appuyé par des défenses légères comme des levées de terres ou des armes d’hast (hallebardes, pertuisanes, lances) plantées dans le sol. Il porte généralement un sabre plutôt qu’une épée pour les combats au corps à corps ; les armes longues comme la lance et les pertuisanes tendent à se raréfier. Le pistolet fait son apparition au sein de l’armée ottomane à partir de la campagne de 1664, mais ne sera jamais d’un usage courant. Les sipahis, les cavaliers du sultan, sont censés les suivre à la bataille afin de les protéger de l’action des cavaleries adverses, car les janissaires ne portent pas de piques contrairement aux soldats occidentaux.

Tactique militaire

Les janissaires combattent comme des guerriers féroces à la redoutable efficacité, que ce soit à l’arc, au mousquet ou au sabre. Ils peuvent être aussi bien employés dans les escarmouches lors des sièges qu’à mener un assaut sur des retranchements adverses. En revanche, ils refusent le recours aux tirs de salves et l’usage de la pique en masse qui les rabaisserait au rang d’automates. Ils sont rompus aux marches forcées et ne rechignent jamais à entreprendre des travaux de sapeurs, ce qui confère aux Ottomans un véritable avantage stratégique sur les armées occidentales.

Lors des batailles, les armées ottomanes se déploient traditionnellement sur trois lignes parallèles d'infanterie avec les sipahis sur chaque aile. Les janissaires occupent généralement la troisième et dernière ligne. Les deux premières (principalement composées d'azabs et autres irréguliers) ont pour but de désorganiser et de fatiguer l'adversaire. Lorsque ce dernier arrive devant la ligne des janissaires, il essuie un feu précis de leurs canons et de leurs puissants mousquets qui, bien souvent, ne lui permet pas de se réorganiser. Une simple charge de cette armée pléthorique finit par le démoraliser.

Cependant, l'armée ottomane possède de nombreux points faibles : si elle se déplace très rapidement durant les mouvements stratégiques, une fois déployée et face à l'adversaire, ses capacités de manœuvre sont considérablement réduites. De plus, ses troupes sont incapables d'arrêter un adversaire déterminé. Lorsque ce dernier arrive à garder sa cohésion il peut transpercer les trois lignes de défense ottomane et s'assurer la victoire. Il faut rajouter à cela une incapacité du corps à se réformer et à adopter d'autres méthodes de combat. À la fin du XVIIe siècle et après deux siècles d'efficacité, le modèle tactique ottoman s'effondre face aux troupes occidentales désormais entraînées à garder leur cohésion durant les manœuvres et appliquant des techniques de combat, mais surtout du matériel, nettement plus modernes.

Héritage ottoman des armées modernes

Les autres armées européennes s'inspirèrent ou copièrent plusieurs innovations élaborées au sein des armées ottomanes en général et du corps des janissaires en particulier :

Les fanfares militaires : Les troupes ottomanes furent les premières en Europe à se doter de fanfares militaires (mehterhane) composées d'un nombre variable d'ensembles. Un ensemble se composait d’un tambour, de timbales, d’une clarinette, d’une trompette et de cymbales; par exemple, la fanfare personnelle du sultan (mehter) était composée de 9 ensembles. Certaines fanfares pouvaient être entièrement montées sur des chevaux, des chameaux ou des dromadaires (notamment les gros tambours).

Les techniques de siège modernes : Les troupes ottomanes furent les premières à employer un système de tranchées pour approcher les places fortes assiégées. Cette technique consistait à creuser de larges et profondes tranchées en zigzag pour progresser vers les murailles de la place assiégée. Elle fut amplement améliorée au cours des siècles pour aboutir au système préconisé par le maréchal Vauban.

L'hygiène des camps militaires : tous les chroniqueurs contemporains s'accordent à dire que les camps militaires turcs étaient particulièrement bien tenus et organisés surtout pour des troupes comptant énormément de bêtes (chevaux et animaux de bât). Leur hygiène était de bien meilleure qualité que celle des armées occidentales qui perdaient beaucoup d'hommes à cause des maladies provoquées par la promiscuité et le manque d'hygiène.

Quelques remarques

Les janissaires furent présents en Algérie où, par mariage avec des femmes indigènes, ils donnèrent naissance à la communauté des Kouloughlis (du turc Köl oğul : fils d'esclave). Alger est alors un état sous l’influence de l'empire Ottoman.

Leur symbolique et leurs grades étaient associés à la cuisine ; les officiers portaient une louche dans leur coiffe, la soupière sacrée était révérée (les infidèles la touchant étaient exécutés pour sacrilège, la renverser étant signe de révolte), et le sultan était appelé père nourricier. La bannière des janissaires était surmontée d'une main en or tenant un exemplaire du Coran.

Ces références culinaires ont suscité beaucoup de curiosité chez les chroniqueurs et témoins occidentaux qui les notent quasi-systématiquement dans leur relation sur l'Empire ottoman.

Règle de la cage d’or pour le sultan :

À l’abolition de la loi de fratricide instaurée par Mehmet II, qui autorisait le nouveau sultan à éliminer tous les prétendants mâles au trône, les héritiers sont placés dans « la cage d'or », une suite de trois pièces richement décorées, mais en vase clos, dès l’âge de sept ans, où ils ont leurs esclaves, leurs divertissements, mais ne peuvent en aucun cas en sortir ou se mêler de la vie extérieure. Ils n’en sortent que pour régner, la coutume aura court jusqu’à l’installation à Dolmabahçe. Dès lors, ils seront placés dans des résidences surveillées.

L’avènement de la Turquie moderne

Une fois limité en Europe aux territoires ne comptant pas de catholiques ou de protestants, c'est-à-dire après 1699, l’Empire ottoman apparaît de plus en plus, pour les puissances occidentales, comme un empire oriental, dont la sphère d'influence doit assurer la stabilité des zones de culture byzantine ou musulmane placées sous son obédience. Par exemple, la nomination du dey d’Alger comme régent de cette province d'Afrique du nord est, aux yeux des occidentaux, un gage d'ordre face à la "piraterie barbaresque". Une fois limité à la Thrace turque, suite aux Guerres balkaniques, l'Empire ottoman est assimilé par les puissances occidentales à un empire colonial devant assurer la paix, voire relayer la culture européenne, dans le monde musulman.

C'est ainsi que l’empire ottoman est convié à la table des négociations de la conférence de Berlin parmi treize puissances occidentales dans leur configuration du XIXe siècle. Néanmoins, cette vision, surtout occidentale (et concrétisée par le soutien de l'Europe dans la Guerre de Crimée en 1856 et à la conférence de Berlin en 1878) n'est pas partagée par la Russie, qui considère l'Empire ottoman comme un "homme malade de l'Europe" et tente, tout au long du XIXe siècle, de lui ravir des territoires, tout en soutenant la cause des peuples balkaniques cherchant à se libérer de l'emprise du sultan. Les puissances occidentales elles-mêmes profitent chaque fois qu'elle le peuvent des faiblesses de l'Empire, qui perd entre 1831 et 1911 toutes ses possessions africaines au profit de la France (Algérie et Tunisie), de l'Angleterre (Égypte) et de l'Italie (Tripolitaine et Cyrénaïque). L'Angleterre s'empare aussi de Chypre en 1878, et l'Italie du Dodécanèse en 1911.

À l'issue de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman, modernisé et européanisé avec l'aide allemande, est battu et doit céder d'immenses territoires au Proche-Orient au profit de la France (Syrie), de l'Angleterre (Palestine, Jordanie, Mésopotamie, Koweït) et de leurs alliés arabes (Nedjed, Yémen), tandis que la Grèce s'agrandit en Thrace et en Asie mineure : elle annexe Smyrne et sa frontière se trouve à une heure de marche de Constantinople. Le reste de l'empire est partiellement occupé par des troupes grecques, britanniques, françaises et italiennes, de sorte que les Turcs craignent d'être colonisés par les européens et ne font plus confiance au sultan.

Le 29 octobre 1923, à l'issue d'un processus militaire et politique qui permet de chasser les troupes étrangères, de réviser les traités de paix et de regagner, dans le Caucase, un territoire perdu en 1878, le sultanat est aboli et la république proclamée à Ankara, qui devient capitale. La famille impériale part en exil, Mustafa Kemal est élu président : auréolé de son statut de sauveur de la nation, il peut entreprendre des réformes radicales qui ne seraient jamais passées sous l'empire : laïcisation de la législation et de la société, égalité hommes-femmes, romanisation de l'écriture et réorganisation territoriale avec 81 provinces (en turc il) regroupant 957 arrondissements (ilçe).

 15/ Provinces :

 

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Les provinces de l'Empire ottoman (en jaune) en 1609. Vert : états vassaux musulmans (Tlemcen, Alger, Qacentine, Khanat de Crimée, Sharifat de La Mecque). Rose : états vassaux chrétiens (Raguse, Transylvanie, Moldavie, Valachie, Abkhazie, Kakhétie-Imérétie).

 

Les provinces de l'Empire ottoman étaient des divisions administratives fondées sur l'administration militaire et civile ainsi que les fonctions exécutives. La mise en place de l'organisation administrative s'est déroulée en deux phases. La première est liée à la construction de l'Empire et a évolué avec sa montée en puissance. La seconde est due aux vastes réformes administratives de 1864 et s'est terminée avec la dissolution de l'Empire.

L'organisation administrative de l'Empire ottoman a évolué au cours de l'histoire.

Les premières provinces ont été créées à partir du XIVe siècle, leur nombre s'accroissant progressivement au fur et à mesure de l'extension de l'empire.

La structure administrative a été refondée au cours des vastes réformes (Tanzimat) de 1864, visant à la modernisation de l'Empire et à faire de l'administration des provinces un relais de l'État. Elle préfigure les provinces de la république turque qui succède à l'Empire en 1922.

Contrairement à ce que montrent par erreur beaucoup de cartes historiques (y compris anciennes), les états vassaux, musulmans ou chrétiens, payaient un tribut au Sultan ottoman mais ne faisaient pas partie de l'Empire, n'étaient pas des provinces ottomanes, n'avaient pas l'obligation de fournir des troupes à l'Empire, disposaient de leurs propres dynasties, conseils, lois, administrations, armées, flottes, diplomaties (attributs de la souveraineté).

Ces états vassaux étaient soit musulmans (Tlemcen, Alger, Qacentine et Khanat de Crimée ; le Sharifat de La Mecque, dévolu au Sultan en tant que Calife et « Commandeur des croyants », avait aussi un statut d'autonomie), soit chrétiens (Raguse, Transylvanie, Moldavie, Valachie, Abkhazie et Kakhétie-Imérétie).

En Crimée, le Khanat, qui s'étendait loin à l'intérieur de ce qui est aujourd'hui l'Ukraine et la Russie méridionale, ne possédait en revanche pas l'extrémité montagneuse de la péninsule, qui, elle, était bien province ottomane (ancienne principauté greco-arménienne conquise, dont les dynastes, passés à l'islam, ont conservé quelque temps leur statut héréditaire).

Dans les états vassaux chrétiens, les Ottomans ne pouvaient pas construire des mosquées ni y posséder de la terre : c'étaient des « protégés du Sultan » mais des étrangers, un statut symétrique à celui de certains chrétiens ou juifs de l'Empire ottoman vivant sous le « régime des Capitulations », qui étaient des « protégés » des souverains chrétiens d'Europe (comme la famille Balladur).

Au début de l'année 1865, l'Empire ottoman comptait une cinquantaine de provinces en Europe, Asie et Afrique, qui s'étendaient des Balkans à l'Afrique du Nord en passant par le Moyen-Orient et l'Égypte. Les noms en français sont ceux figurant sur les cartes françaises de l'époque ; les noms ottomans sont donnés en italique entre parenthèses :

En Europe

Albanie (Mirdit-eli, capitale İşkodra ou Scutari - il s'agit du Scutari d'Albanie)

Bosnie (Bosna-eli, capitale Bosnasaray)

Bosphore (Bolu-kaleh, capitale Istanbul ou Constantinople)

Crète (Giritada-eli, capitale Haniye ou La Canée)

Danube (Ton-eli, capitale Vidin)

Dobrogée (Dobruc-beyliği, issu de l' Özi Eyaleti, capitale Dorostol)

Crimée méridionale (Eyalet-i Mangup, capitale Mangoup)

Djézireh des îles (Cezayir-i bahr-i Sefid adaları Akdeniz: "marche des îles de la mer du sud", en fait les îles égéennes, capitale Midillü, en fait dirigée d'Izmir ou Smyrne)

Épire (Yanya-eli, capitale Yanina)

Herzégovine (Hersek-beyliği, capitale Mostar)

Maritza (Meriç-eli, capitale Edirne ou Andrinople)

Roumélie méridionale (Güney Rum-eli, capitale Selanik ou Salonique)

Roumélie occidentale (Batı Rum-eli, capitale Monastir)

Métochie (Metohiye-eli, capitale Prizren ou Prizrend)

Roumélie orientale (Doğu Rum-eli, capitale Filibe), autonome de 1878 à 1886 (date de son rattachement à la Bulgarie)

Samos (Sisam beyliği, capitale Bafısam ou Vathy), île devenue principauté chrétienne autonome en 1834

Sofia (Balı-efendi-eli, capitale Sofya)

Syrfie (Serfiye sancağı, capitale Serfice ou Serfidzé).

En Asie mineure

Anatolie (Anadolu-eli, capitale Kütahya, ensuite Ankara ou Angora)

Bithynie (Eyalet-i Hüdavendigâr ou Hodavendkiar, capitale Bursa ou Brousse, ensuite Kütahya)

Paphlagonie (Kastamonu-eli, capitale Kastamonu ou Castamonie)

Cilicie (Adana-eli, capitale Adana)

Granique (Kale-i Sultaniye Antlaşması ou Biga sancağı), sandjak autonome et non vilayet

Caramanie (Konya-eli ou Karaman-eli, capitale Konya)

Lydie (Menderes-eli, capitale Aydın)

Nicomédie (Ismid sancağı, capitale Izmit), sandjak autonome et non vilayet

Paphlagonie (Kastamonu-eli ou Castamonie, capitale Kastamonu)

Sébastée (Sivas-eli, capitale Sivas ou Sébastée).

Au Proche-Orient

Arzanène (Bağeş-eli, capitale Bitlis)

Adiabène (Diyarbakır-eli, capitale Diyarbakır également connue sous les noms de Diarbékir ou Douar-Bakr)

Acilisène (Erzurum-eli ou Erzéroum, capitale Erzurum)

Vasparacène (Van-eli, capitale Van)

Kharpout (Mamuret-ül-Aziz-eli, capitale Elâzığ)

Commagène (Halep-ve-Maraş-eli, capitale Halep ou Haleb)

Djézireh de Syrie (Osrhoène ou Deyrizor-eli, capitale Deir ez-Zor ou Deyr-i Zor)

Syrie (Suriye-eli, capitale Damas)

Mossoul (Musul-eli, capitale Musul, à partir de 1879)

Baghdad (Bağdat-eli, capitale Bagdad)

Bassorah (Basra-eli, capitale Basra ou Bassorah)

Hasa (Eyalet-i Lahsa, capitale Elığuf)

Chypre (Kibris-ada), île avec statut d'autonomie (cédée à la Grande-Bretagne en 1878; capitale Lefkoşa ou Nicosie)

Mont-Liban (Lubnan Dağlari mutasarrıflığı, Cebeli-Lubnan ou Djebel-i Lubnan, capitale Beirut ou Béryte), mutasarrifat et non vilayet

Beyrouth (Beirut-eli ou vilayet de Beyrouth)

Palestine (Kudus-i Şerif mutasarrıflığı, capitale Kudüs), mutasarrifat et non vilayet

La Mecque (Mekke şeriflığı), sharifat personnellement dévolu au Sultan et non vilayet

Hedjaz (Hicaz-eli, capitale Medîne)

Yémen (Yemen-eli, capitale Sana).

En Afrique

Égypte (Mısır hidivliği, capitale Kahire ou Le Caire), khédivat autonome, et non vilayet ; les Khédives sont devenus héréditaires à partir de Méhémet Ali

Nubie (Sudan-eli, capitale Hartum ou Khartoum), dépendance de l'Empire ottoman gouvernée en commun avec le khédivat autonome d'Égypte

Cyrénaïque (Bingazi sancağı, capitale Bingazi), sandjak autonome, et non vilayet

Tripolitaine (Trablusgarp-eli ou Trablus-Garb, capitale Tripolitaine)

Tunisie (Tunus beyliği ou Eyalet-i Tunus, capitale Tunus), eyalet autonome, régi par des beys devenus héréditaires.

Avant 1830, l'empire comptait aussi en Afrique du Nord :

La Djézireh de l'occident (Cezayir-i bahr-i Mağrib, "marche du pays d'occident" : Maghreb = "occident") : plus ou moins l'actuelle Algérie septentrionale avec trois deylıks : Tlemcène (Tlemcen), Alger (Al-djazaïr, en turc Cesayir, Djézireh en transcription française) et Kacentine (Constantine) (à noter : on trouve des traces de la présence Ottomane en Algérie, notamment dans des patronymes comme : Khodja, Kara, Stambouli, Sandjak...).

 16/ Culture :

Pendant plusieurs siècles, l'Empire ottoman a connu des périodes riches tant d'un point de vue économique que culturel. Il a influencé ses voisins de l'ouest (Europe, Afrique du Nord) comme ceux de l'est (Asie centrale, Perse, Inde). Sa position géostratégique en a fait pendant longtemps une puissance culturelle de premier plan.

 

La vie du sultan à Istanbul est fastueuse. Il est le monarque absolu, assisté par le Grand Vizir et un Conseil (diwan), qui se réunit quatre fois par semaine. Ils sont tous esclaves du sultan. Il possède un harem formé d’esclaves choisies. L’administration est très efficace et laisse une certaine liberté religieuse. L’Empire est divisé en régions dirigées par un Pacha, en charge pour trois ans. Les juges (qadi) s’inspirent du Coran, mais les non musulmans sont jugés par leurs chefs. Près des mosquées surgissent les madrasas, écoles gratuites pour les jeunes musulmans. Le commerce est très important pour les Ottomans et permet aux chrétiens d’être en contact avec les pays islamiques.

Les sultans donnent une importance considérable au développement culturel et artistique. Soliman en particulier, est estimé pour la paix et la tolérance, même s’il est aussi un tyran féroce pour d’autres aspects. Les écrivains occidentaux sont intrigués par cette religion qui présente une certaine fascination, même si beaucoup la considèrent immorale ou la décrivent comme une hérésie chrétienne.

Afrique

La Méditerranée est pendant longtemps au pouvoir des Turcs sarrasins et les habitants des villes côtières craignent d’être assaillis et emmenés comme esclaves à Tunis, Alger ou Istanbul. Les incursions des Sarrasins dans le sud de l’Italie continuent jusqu’au début du XIXe siècle. Le corsaire Khayr al-Din reprend Tunis aux Espagnols en 1534. Là, sont emmenés les prisonniers devenus esclaves (comme à Alger).

En Afrique du Nord, environ 40'000 esclaves chrétiens subissent beaucoup de mauvais traitements. Parmi eux, il y a aussi quelques prêtres, dont saint Vincent de Paul. Certains esclaves se convertissent à l’islam afin d’être libres. Les missionnaires s’engagent pour éviter certaines formes d’apostasie (mercédaires, moines de l’Ordre des Trinitaires, des franciscains, des dominicains et des capucins).

Saint Vincent de Paul, fondateur des lazaristes, crée à Marseille une maison qui devient le point de départ pour les prêtres et les frères qui partent pour la mission en Afrique du Nord au service des esclaves chrétiens, en qui saint Vincent voyait le visage de Jésus. Ces religieux s’y rendent comme chapelains des consulats, et certains deviennent même consuls.

Un fait propre au Maroc isolé du reste de l’islam : le roi se réclamant de l’origine de la fille du Prophète, Fatima, il professe un islam rigoureux, bien loin de la corruption du sultan.

La conversion à l’islam d'une partie de l’Afrique noire advient de manière pacifique grâce aux commerçants et aux missionnaires laïcs. Elle commence en Éthiopie, à Zanzibar et sur les côtes de Madagascar, continue au Sénégal et partiellement au Ghana. Cependant, dans de nombreuses régions, les antiques traditions subsistent.

Asie

En Perse, une dynastie d’origine chiite réussit à maintenir un certain pouvoir en concluant des accords avec les Ottomans.

En Inde, une invasion arabe a déjà eu lieu dans l’actuel Pakistan. Ils sont rejoints par les Ottomans qui occupent de vastes zones de l’Inde. Ils sont installés par les gouverneurs dont certains cherchent un syncrétisme entre l’islam, l’hindouisme et le christianisme.

Des missionnaires chrétiens arrivent aussi en Extrême-Orient (Inde, Japon et surtout en Chine avec François Xavier, Matthieu Ricci et divers missionnaires Franciscains, Dominicains et surtout Jésuites).

 17/ Religion officielle :

Selon Halil İnalcık, sous les Seldjoukides et lors de la création de l'Empire ottoman, les peuples turciques qui créent ces empires sont majoritairement de confession alevi bektashi18, alors que les populations antérieures sont majoritairement chrétiennes (orthodoxes ou monophysites). Les tribus turkmènes arrivées en Anatolie sont spirituellement influencées par de grandes figures de l'islam soufie et hétérodoxe comme Ahmed Yesevi, Yunus Emre, Haci Bektas Veli, Mevlana, Ibn Arabi, Abdal Musa et Kaygusuz18. De nombreux éléments laissent à penser que les fondateurs de l'empire étaient membres de tariqas hétérodoxes proches du bektachisme. Ainsi, la famille des Çandarlı qui est à l'origine de la création de l'empire est membre de la confrérie ahilik c'est à dire bektachi. La première médersa (université théologique) est créé par Davud el-Kayserî qui y enseigne le concept de Wahdat al-wujud. Sheikh Edébali est membre de la Tariqa Vefâi (babailik). Gazi Evrenos Bey de la tribu kayi dont est issue la dynastie ottomane était également acquit à la cause de l'ahl al-Bayt.

Pour Levent Kayapinar, jusqu'au XIVe siècle et XVe siècle siècle les alevi bektashi sont majoritaires parmi les turcophones de l'empire.

Avant 1517, l'Empire ottoman n'a pas de religion ou ne repose pas sur un système religieux. En 1516, les ottomans mettent un terme au califat des Mamelouks puis Yavuz Sultan Selim s'empare des insignes du pouvoir califal détenus au Caire (fin du Al-Mutawakkil III). L'année 1517 marque un tournant dans l'histoire confessionnelle de l'empire : le sultan Yavuz Sultan Selim choisit le sunnisme comme religion officielle. Ce faisant il se démarque de son grand rival Chah Ismail Ier acquis à la cause de l'ahl al-Bayt. Environ deux mille ulemas sont importés de la mosquée al-Azhar d'Égypte pour « sunniser » l'Empire.

À partir de cette époque, les chefs religieux alevi, bektachi et mevlevi qui sont à l'origine de l'islamisation en Anatolie et dans les Balkans, sont exécutés ou déportés : l'alévisme est alors considéré comme hérétique par le pouvoir central sunnite ottoman. Yavuz Sultan Selim lance une politique de dénigrement, de répression et d'assimilation ou de conversion des alevis qui perdure jusque sous l'ère républicaine. Quant aux chrétiens, ils sont, comme les juifs, considérés comme des « protégés » et organisés en « millets » (communautés) : celui de Rum (« Romains ») regroupe les orthodoxes, jadis citoyens de l'Empire romain d'orient, et celui des Ermeni regroupe les monophysites du « catholicossat » arménien. En tant que protégés, ils sont dispensés du service militaire, mais en revanche, sont soumis à une double-capitation nommée haraç et au devchirmé (enlèvement des garçons pour les janissaires), ce qui en encourage beaucoup à adopter l'islam sunnite officiel (et pour beaucoup, la langue turque).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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19 février 2015

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